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reflexion

L’ÉTAT AU SERVICE DE LA CLASSE DOMINANTE

11 Août 2016 , Rédigé par afrohistorama, Toute l'histoire sans histoire Publié dans #Reflexion

Robert Bibeau

Robert Bibeau

REFLEXION : L’ÉTAT AU SERVICE DE LA CLASSE DOMINANTE

L’objectif de Tom Thomas dans ce volume « Étatisme contre libéralisme ? » (1) est de combattre l’utopie étatique. Une utopie largement sacralisée par la droite et par la gauche bourgeoise à travers les luttes électorales auxquelles elles convient les militants et les prolétaires dans le triste espoir d’accéder à la direction de l’État-major de la bourgeoisie et de devenir des affidés des oligarques financiers.

Tom Thomas y démontre que l’État ne peut être le moyen d’une solution à la crise économique systémique du capitalisme et à ses effets catastrophiques, « pour la raison qu’il ne peut pas être autre chose que l’organisateur essentiel de la reproduction du capitalisme (c.-à-d. des rapports sociaux capitalistes) et de plus en plus essentiel au fur et à mesure de son développement historique ». Le livre démontre que, pire encore, « tout renforcement du rôle de l’État bourgeois ne peut être qu’un renforcement de la dépossession des travailleurs des moyens de leur vie, un renforcement de la domination sur eux du capital (éventuellement étatisé) et de ses représentants, les bourgeois (appelée par Marx « les fonctionnaires du capital » parce qu’ils ne font qu’en exécuter les lois). Cela quelles que soient les promesses de démocratie « participative », « citoyenne », « républicaine », ou autres qualificatifs qu’on y adjoint comme pour admettre qu’elle n’est rien ! » (2)

Le volume démontre que cet étatisme capitaliste contemporain « n’est pas un fait du hasard, un choix parmi d’autres, mais qu’il manifeste une tendance au totalitarisme inhérente à l’essence même de l’État et dont le plein développement accompagne nécessairement celui du capital arrivant à son âge sénile », arrivant dirons-nous à son stade ultime – impérialiste – qui exige, comme on l’a vu à maintes reprises dans l’histoire, un appareil de gouvernance totalitaire pour ne pas se défaire et s’écrouler.

L’État n’a pas été créé spécifiquement pour favoriser certains individus, pas même une classe sociale en particulier, mais parce que nécessaire pour reproduire une société dans son ensemble (au nom du soi-disant intérêt général) ; société dans laquelle une classe est dominante parce que propriétaire des moyens de production, d’échanges et de communication. C’est en s’attachant à reproduire ce qui fonde cette société que l’État fait valoir les intérêts de la propriété privée sur le capital, et crée les conditions de la destruction de ce mode de production en le collectivisant à travers une classe sociale minoritaire, l’aristocratie financière capitaliste, de laquelle sont exclus toutes les autres classes et fractions de classes y compris la petite bourgeoisie rejetée et paupérisée, d’où sa frustration et ses protestations.

C’est en ce sens que l’État est « la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs intérêts communs et dans laquelle se résume toute la société civile d’une époque » (3). Mais cette forme provient elle-même de ce que les individus bourgeois ne peuvent administrer et gouverner eux-mêmes, directement. C’est par et dans l’État que les individus bourgeois s’organisent en classe dominante, unifiant leurs différentes fractions, et garantissent leurs intérêts essentiels – le capital et sa reproduction élargie – finalité du développement de ce mode de production (4). Ils doivent passer par cette forme singulière, donner à ces intérêts particuliers une forme politique extérieure à eux comme individu – mais jamais en tant que classe – (même si, évidemment, ils l’influencent fortement par toutes les ressources qu’ils détiennent), devant apparaitre formellement comme la volonté sociale générale et, pour cela, se légitimer aussi auprès des classes dominées « C’est justement cette contradiction entre l’intérêt particulier et l’intérêt général qui amène l’intérêt collectif à prendre, en qualité d’État, une forme indépendante, séparée des intérêts réels de l’individu et de l’ensemble et à faire en même temps figure de communauté illusoire… Précisément parce que les individus ne cherchent que leur intérêt particulier qui ne coïncide pas pour eux avec leur intérêt collectif… cet intérêt est présenté comme un intérêt qui leur est étranger, qui est indépendant d’eux… » (5).

Ce qui frappe le plus dans cette évolution de l’État vers des formes qui tendent à le faire apparaitre comme le représentant des intérêts de toute la société civile (sic), comme au-dessus des classes, des fractions de classes, et des intérêts particuliers, ce sont deux choses : Premièrement cette évolution fut inéluctable. L’État bourgeois n’est donc pas le fruit de circonstances particulières et momentanées, il est surtout, bien au-delà du cas concret particulier du totalitarisme, le fruit incontournable d’une évolution en profondeur du mode de production capitaliste lui-même, ce qui fait que non seulement cette domination de l’État sur les individus et sur les intérêts particuliers n’a cessé de s’affirmer, mais une évolution similaire s’est produite ailleurs, avec la même transformation du mode de production capitaliste, indépendamment de circonstances historiques régionales. Deuxièmement, concernant le procès de construction de l’État bourgeois de sa forme démocratique bourgeoise à sa forme totalitaire bourgeoise, ce n’est pas le fait qu’un dictateur y exerce un pouvoir despotique qui est le plus significatif, mais justement, au contraire et contrairement à ce que propagent les médias à la solde, que la personnalité de ces despotes n’a aucune importance. Hitler, Staline, Mussolini, Franco ou Hirohito, l’État joue son rôle normal dans le développement « normal » de la société bourgeoise dans un capitalisme en crise systémique sur laquelle il n’a aucun pouvoir en définitive. Comme l’observe judicieusement Marx, avec ses millions de fonctionnaires l’État bourgeois forme « un effroyable corps parasite qui recouvre comme d’une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores » (6). Cet énorme appareil bureaucratique, si imposant aujourd’hui – jusqu’à faire penser à un mystique « État providence » égérie de la petite bourgeoisie – fonctionne par lui-même comme une machine automate, et pourvu qu’on le nourrisse copieusement d’impôts, avec ses appareils, son langage, ses règles, ses automatismes aveugles, et son monopole de la violence légale. Il fait ce pour quoi il a été construit : organiser la reproduction de la société capitaliste, et particulièrement assurer la reproduction de la force de travail source de la plus-value et du capital, de sorte que n’importe quel gouvernement – président – Premier ministre – peut se trouver à sa tête, la machine marchera plus ou moins bien, mais produira à peu près toujours les mêmes résultats. N’importe quel polichinelle peut faire l’affaire ! Georges Bush, Barack Obama, Hilary Clinton ou Donald Trump, peu importe puisque maintenant l’État est un appareil indépendant des individus et des factions qu’il gouverne, et même aussi de ceux, les élus, qui le gouvernent. « Semble, car répétons-le, indépendant des individus ne veut pas dire indépendant de la société capitaliste, donc des intérêts de la classe qui en est la bénéficiaire et y domine en réalité. L’État est bien responsable de la reproduction du capitalisme, c’est même sa seule fonction (et c’est bien pourquoi ce sont les exigences générales du capital qui gouvernent les gouvernants, du moins dans la mesure de ce qu’ils en comprennent, de l’influence plus particulière de tel ou tel secteur capitaliste à tel ou tel moment, etc.) Indépendant, cela veut dire aussi que ce ne sont pas nécessairement les capitalistes eux-mêmes qui « règnent » au sommet de l’État, qui joue son rôle par lui-même, indépendamment des hommes qui se succèdent à sa tête et des formes plus ou moins démocratiques ou despotiques qu’il revêt » (7).

« En Allemagne, la construction de l’État-nation intervint plus tard avec Bismarck (qui avait pris des leçons de Napoléon III, qu’il admirait, comme ambassadeur à Paris). Compte tenu du retard du capitalisme allemand, donc de la faiblesse de sa bourgeoisie relativement à la survivance de forces aristocratiques (propriété foncière), et de divisions territoriales relativement forte, il dut l’effectuer « par le haut », le pouvoir monarchique organisant lui-même l’accouchement d’une société capitaliste et de l’État correspondant, sur le gouvernement duquel l’empereur gardait de ce fait une forte emprise. L’alliance avec la classe ouvrière fut là aussi nécessaire pour briser les résistances des aristocrates et des forces conservatrices, mais elle ne surgit pas du « bas », dans l’insurrection. C’est l’État qui l’organisa à sa façon (cf. par exemple le Kulturkampf 1873-1879). C’est l’aristocrate et autocrate Bismarck qui fit voter les premières lois sociales en faveur des ouvriers d’industrie : assurance maladie (1878), assurance contre les pertes d’emploi dues aux accidents du travail (1884), assurance vieillesse invalidité (1889). Par ces lois sociales, il voulait organiser l’intégration pacifique, mais aussi entièrement disciplinée et soumise, du prolétariat (…) En Angleterre, la bourgeoisie, déjà ancienne et puissante, crée d’abord par elle-même des sociétés de secours mutuel pour ses ouvriers (plus de 4 millions de membres vers 1870), et des sociétés philanthropiques pour les pauvres. Mais la charité bourgeoise étant tout à fait insuffisante à entretenir une force de travail nombreuse et surexploitée, c’est l’État qui là aussi devra prendre progressivement en charge cette fonction (comme il avait d’ailleurs commencé à le faire par les Poor Laws de 1642 et 1834). Finalement, dans tous les pays capitalistes à partir de la fin du 19e siècle, « l’Etat va peu à peu supplanter les groupements privés dans la sphère de la reproduction sociale… », avec toutes sortes de nuances «mais le plus souvent sur le modèle des assurances sociales « inventées » par l’Allemagne de Bismarck » (8).

C’est l’État, plus que le mouvement ouvrier, qui avait l’initiative. « Dans quasiment aucun pays, durant cette période, le mouvement ouvrier n’a joué un rôle en tant qu’initiateur et supporteur actif et enthousiaste des assurances sociales » (9). C’est que nombre d’ouvriers voient encore l’État comme purement répressif, exclusivement au service des bourgeois, un ennemi dont il ne peut ni ne doit rien attendre (sinon le pire comme l’avait démontré l’écrasement de la Commune de Paris). L’autre motif pour expliquer la suspicion ouvrière vis-à-vis ces plans d’assurances et d’assistance sociales c’est que les travailleurs actifs (en emplois) savent pertinemment que ce sont eux qui défraieront ces programmes par leurs cotisations. Récemment, aux États-Unis, un programme d’assurance maladie a été boudé par les ouvriers – surtout ceux que l’on appelle les « poors workers » – qui peinent à survivre avec leurs salaires de misère, ce que la gauche bourgeoise a dénoncé, se portant ainsi au secours du Président américain « charitable ». Pendant ce temps, l’État bourgeois est tenu d’assurer les conditions de reproduction élargie du capital. La première de ces conditions, en phase montante du développement capitaliste – à son stade ultime impérialiste – juste avant le grand basculement – c’est de reproduire le capital variable – vivant – prolétarien, sinon aucune plus-value ne sera produite et aucun capital ne sera valoriser, ni ne pourra être distribué et réinvesti. L’État providence n’est que la réponse particulière que les rapports de production capitalistes ont engendrée pour assurer la reproduction élargie du capital. L’État providence, éphémère, n’est pas une conquête de la classe ouvrière comme le laisse entendre la gauche bourgeoise qui aujourd’hui tente de mobiliser les prolétaires pour qu’ils se battent pour maintenir ces « privilèges » temporairement accordés, les emplois syndicaux, les emplois en ONG subventionnés et les jobs des clercs gestionnaires de ces programmes d’assurance et d’assistance publics.

À partir du moment où le capital variable – vivant – ouvrier – est devenu trop abondant par rapport aux besoins du capital constant à valoriser, dans le monde entier l'État bourgeois a changé de politique pour s’orienter vers le « néolibéralisme » comme l’appel la gauche déjantée, il est devenu l’État du rationnement et de l’austérité. En effet, pourquoi assurer la reproduction élargie d’un capital vivant surabondant ? On perçoit ici toute la fumisterie des protestations gauchistes visant à conquérir de nouveaux « droits sociaux », à maintenir les « droits acquis » et à conserver les « conquêtes ouvrières » des périodes de prospérité. Sous la crise économique systémique du capitalisme il n’y a plus de pseudo « droits acquis » qui tiennent, sauf le droit acquis du capital d’assurer ses profits à tout prix.

Préoccupé par nature de son seul profit immédiat, et d’ailleurs obligé de le faire par la concurrence immanente, le capitaliste individuel ne s’occupe que de consommer le plus de travail salarié au moindre cout, et il ne s’inquiète pas de sa reproduction, persuadé qu’il trouvera toujours les bras dont il a besoin pour « profiter ». Il a fallu longtemps aux plus lucides d’entre eux pour comprendre que les conditions de misère et d’avilissement épouvantables des ouvriers des débuts du capitalisme étaient un frein, un danger mortel, pour le système capitaliste lui-même, et que le capital avait besoin d’une force de travail apte, en bonne santé, éduqué et former pour performer avec forte productivité. Chaque capitaliste ne pouvant affronter seul l’organisation militante du prolétariat ce qui oblige à des réponses au niveau de l’État comme l’ont prouvée les montés de fièvre ouvrière insurrectionnelle. Bref, l’État doit intervenir de plus en plus pour réunir les conditions de valorisation du capital, aussi bien en prenant en charge divers investissements lourds (chemins de fer, ports, oléoducs, aéroports, réseau électrique) que la reproduction de la force de travail (éducation, santé, sport, loisirs) et la gestion de la lutte des classes (formule rand, comités paritaires et subventions aux organisations syndicales et associatives).

Tom Thomas signale qu’« avec les lois sociales, l’État devient petit à petit un gestionnaire du rapport salarial qui s’impose comme le rapport social dominant. Ce qui était naguère soi-disant des contrats purement privés entre individus réputés « égaux » devient ainsi contrat social étatisé. L’État produit et impose par la loi le contrat social et salarial, de sorte qu’il semble que l’État joue le rôle d’une puissance arbitrale, qui pourrait décider de favoriser les salariés pour peu que les résultats électoraux portent leurs représentants au pouvoir. En réalité, il ne fait, par ces lois, que leur redistribuer une petite partie des richesses qu’ils ont produites et qu’il a confisquées (…), mais après s’être lui-même copieusement servi au passage. Il ne fait qu’organiser une mutualisation des risques entre les travailleurs, mais sans eux. L’ouvrier accidenté, malade ou chômeur ne demandera plus justice… en descendant dans la rue. Il fera valoir ses droits auprès d’instances administratives… Mais cela (ces droits) ne lui donne aucun pouvoir sur la direction de l’entreprise ou sur l’État » (10). Pire, dirons-nous, même si, à la faveur d’une élection, un parti soi-disant ouvrier décroche le pouvoir d’État bourgeois, il ne pourra qu’appliquer la politique capitaliste qui s’impose compte tenu de la conjoncture économique de crise. S’il ne le fait pas, ce parti sera battu aux élections suivantes dans un État en faillite et au milieu d’un « backlash » politique catastrophique. Le mode de production capitaliste a ses lois qui ne souffrent aucun passe-droit.

Certes, le capitaliste peut geindre que ces prélèvements de cotisations sociales par « l’État providence » (sic) est un cout salarial qui vient réduire la part de surtravail qu’il pourrait convertir en profit pour lui. « Il peut protester que l’État se fait payer fort cher pour assurer ce service, que la productivité de sa bureaucratie est très faible. Mais c’est une part qu’il doit accepter de lui laisser, malgré qu’il la convoite, pour prix de son incapacité à organiser par lui-même la reproduction de la force de travail et du rapport salarial. Il peut pester contre l’État, vociférer comme Harpagon après sa cassette et crier comme lui qu’on l’assassine, la socialisation étatisée des risques (accidents du travail, maladie, santé, etc.) lui permet de pouvoir puiser, dans le vivier de force de travail ainsi entretenue, celle dont il aura besoin à tel ou tel moment, qu’il trouvera ainsi, grâce à l’État qu’il maudit, disponible, apte, en état. Cette étatisation de la reproduction de la force de travail est une utilité pour le capital, quoi qu’en dise le capitaliste particulier qui en discute âprement le prix. Elle lui assure non seulement ce vivier sans lequel il ne pourrait pas produire de plus-value, et dans des conditions égalisées de concurrence, mais aussi l’entretien par les ouvriers eux-mêmes de « l’armée de réserve » des chômeurs si essentielle pour maintenir les salaires le plus bas possible. L’ouvrier quant à lui est assuré d’un certain revenu en cas d’aléa, ce qui est évidemment un mieux » (11), mais dont certains travailleurs, moins conscients, ont tendance à gratifier l’État qui l’organise alors que c’est l’ouvrier qui le finance en totalité, ce qui est un des facteurs qui amène, bureaucrates syndicaux et petits bourgeois de gauche, à réclamer toujours plus d’État bourgeois. Ce que ne font pas les ouvriers plus conscients qui se désintéressent de l’État, de son parlementarisme, de sa gouvernance et de l’électoralisme, ce qui est un signe de maturité politique de la conscience de classe prolétarienne contre lequel s’échine la gauche moyenne.

Ce mouvement d’étatisation s’est consolidé au cours du 19e siècle, pour s’affiner par la suite, poussé par tout ce que les pays occidentaux comptaient de socialistes, de communistes, et de gauchistes. En prenant en charge de plus en plus de fonctions, et notamment la gestion du rapport salarial, et même l’activité de grève (loi antiscab, règlementation des activités de grève, injonction et judiciarisation des luttes syndicales, droit du travail) « l’État apparait en même temps comme une puissance indépendante arbitrale au-dessus de tous les individus (hors classe sociales) et décidant pour eux, pour le mieux pour chacune des « parties ». En même temps, cela exige le développement d’un appareil spécialisé énorme, formellement à part, qui ne se présente plus ni comme l’association des citoyens, ni même comme simple appendice patronal. À la racine de ce mouvement, il y a la croissance industrielle, le développement de la machinerie et la concentration du capital que cela implique, la propriété privée devenant propriété capitaliste collective (sociétés par actions). Le capital s’affirme comme rapport de classes : moyens du travail socialisés, mais dans une propriété capitaliste elle-même collectivisée aux mains d’une classe privilégiée. De sorte que l’ensemble des conditions de la production se socialisant, échappant à toute maitrise individuelle bien que soit toujours affirmée la fiction de l’individu privé et de la production privée, elles doivent aussi être de plus en plus prises en charge socialement. Donc par l’État puisqu’il est le représentant de la société, de la puissance sociale que ne peuvent avoir les individus privés » (12).

L’essence du rapport que l’État entretien avec la société civile se confirme dans leurs transformations réciproques puisque l’État, en se développant, contribue à vider les individus de la société civile bourgeoise de leur puissance et de leurs responsabilités. Certes, on pourra toujours observer, comme preuve apparente de ce que l’État est aux mains de la bourgeoisie, que le personnel dirigeant de l’État est en général issu, à peu près exclusivement, des rangs bourgeois. Certes, car les connaissances, l’argent, l’enseignement, les idées et les modes de penser dominants, les relations, sont la propriété des bourgeois. Ils affirment dans l’État aussi ces divisions sociales. Mais d’une part, cela n’est pas toujours le cas, et il arrivera à la bourgeoisie de devoir « prêter » son pouvoir afin de conserver la société capitaliste dans son intégralité. On comprendra que les luttes que mena la gauche – toutes les gauches – pour maintenir le pouvoir bourgeois dans ses formes « démocratique-parlementaires » contre les formes autoritaires totalitaires (corporatisme, fascisme, militarisme, national-socialisme, stalinisme, colonialisme, etc.) fut une bataille d’arrière gardes dans lesquelles ils appelèrent au sacrifice suprême des milliers d’ouvriers en pure perte pour la révolution prolétarienne. La démobilisation des résistants de gauche à la fin des hostilités était inscrite dans les motifs de leur mobilisation. Il en sera de même aujourd’hui que l’on cherche à mobiliser les ouvriers pour contrer le terrorisme, contrer la Russie « postsoviétique », contrer le péril chinois, lançant le prolétariat d’Occident contre les prolétariats de ces contrées excentrées.

Les fonctions de l’État bourgeois s’élargissent inexorablement, au détriment de la société civile, de ses organisations qui deviennent ses appendices subventionnés, entravés, des rapports privés qui sont de plus en plus régis par les lois et règlements de l’État de droit du profit, et qui en redemandent, étant ainsi graduellement dépossédées de tout pouvoir sur les conditions de leur existence. Ce que Marx voyait très bien dès 1852 quand il écrivait que l’accroissement « (…) de la division du travail à l’intérieur de la société bourgeoise créait de nouveaux groupes d’intérêts, donc de la matière nouvelle pour l’administration de l’État. Chaque intérêt commun fut immédiatement distrait de la société, pour lui être opposé comme intérêt supérieur, général, arraché à l’activité autonome des membres de la société pour être l’objet de l’activité gouvernementale, depuis le pont, la maison d’école, la propriété communale d’une commune rurale, jusqu’aux chemins de fer, aux biens nationaux et à l’Université de France » (13).

L’État de droit bourgeois est un monstre aux mains de la bourgeoisie cupide, et de serviteurs stipendiés du capital, ce qui ne signifie surtout pas que l’État pourrait être un instrument de développement aux mains d’hommes vertueux, dévoués, « de gauche » ou « de La gauche véritable ». L’État bourgeois, et c’est le seul état possible de l’État sous le mode de production capitaliste (même dans ses formes « socialistes » ou totalitaires) est par nature un rapport de dépossession, une forme particulière de domination, de répression et d’aliénation de classe, l’ultime aliénation. Cela d’autant plus qu’il absorbe progressivement une puissance sociale dont sont dépouillés, corrélativement, les individus et leurs associations.

Les prolétaires révolutionnaires ne doivent en aucun cas batailler pour prendre le contrôle d’une portion quelconque, d’une instance quelconque de la gouvernance bourgeoise, ce qui comprend les syndicats, les ONG et autres organisations de la société civile subventionnée stipendiée par l’État embourgeoisé. La révolution prolétarienne aura pour première tâche de détruire l’État bourgeois et ses dépendances.

(1) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

(2) Dans l’histoire, chaque mode de production s’est d’abord développé sous une gouvernance libérale, pour ensuite évolué – réagissant aux contradictions antagonistes mettant aux prises les forces productives et les rapports de production trop étroits – vers un mode de gouvernance autoritaire dans une veine tentative de réguler ces contradictions et de maintenir les anciens rapports de production de domination. Ainsi, le mode de production féodale a produit le régime royal aristocratique par cooptation seigneuriale jusqu’à l’imposture dynastique héréditaire de droit divin (sic). Ainsi, le mode de production capitaliste a produit le démocratisme électoraliste bourgeois jusqu’au totalitarisme fasciste et ses variantes de l’Ère de l’Impérialisme déclinant.

(3) Karl Marx (1968). L’idéologie allemande. Éditions sociales. Paris. Page 74.

(4) Robert Bibeau (2016). La finalité du mode de production capitaliste. http://www.les7duquebec.com/7-au-front/217913/

(5) Karl Marx (1968). L’idéologie allemande. Éditions sociales. Paris. Page 31.

(6) Karl Marx (1969). Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Éditions sociales. Paris.

(7) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

(8) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

(9) François Xavier Merrien (2000). L’État providence. Que sais-je ? PUF. Page 14.

(10) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

(11) Karl Marx (1969). Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Éditions sociales. Paris.

(12) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

(13) Tom Thomas (2011). Étatisme contre libéralisme ? Démystification éditeur. Paris. 200 pages. Source URL : http://www.demystification.fr/les-livres-de-tom-thomas-2/etatisme-contre-liberalisme/

Par Bibeau.robert

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Vladimir Poutine et le retour de la fonction de souveraineté

22 Novembre 2014 , Rédigé par afrohistorama, Toute l'histoire sans histoire Publié dans #Reflexion

Vladimir Poutine et le retour de la fonction de souverainetéVladimir Poutine et le retour de la fonction de souveraineté

Vladimir Poutine et le retour de la fonction de souveraineté

 

Poursuivant son cycle Le retour de la Russie, Ivan Blot, homme politique, écrivain, essayiste, a tenu sa troisième conférence le 17 novembre dernier : il a recueilli un vif succès (*). S’appuyant sur le livre Poutine de Frédéric Pons, le conférencier présente en une sorte de long prologue un Vladimir Poutine bien différent de celui que nous croyons connaître tel que nos politiques et médias le définissent généralement. Ensuite Ivan Blot dissertera longuement sur le modèle des trois fonctions chères à Georges Dumézil pour expliquer la réalité actuelle de la Russie. Là encore, que de poncifs, que de mythes sont évacués !
Polémia
♦ La politique de la Russie est dominée aujourd’hui par la stature de Vladimir Vladimirovitch Poutine. Cet officier a repris en main un Etat entré en déliquescence après la chute de l’URSS.
Dans son livre Poutine paru chez Calmann-Lévy, Frédéric Pons (**) raconte les origines de Poutine et sa jeunesse. « Tout commence à Saint Petersbourg » écrit-il. Le tsarisme moderne a commencé là avec Pierre Le Grand. La révolution bolchevique aussi.

 

Poutine est né à Saint Petersbourg qui est un double symbole : l’ouverture vers l’Europe et la résistance à l’ennemi (le Troisième Reich). Deux frères de Poutine sont morts pendant la guerre et sa mère a échappé à la mort de justesse.

Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale reste fort en Russie. Mais cela n’entraine aucune haine à l’égard de l’Occident en général et de l’Allemagne en particulier. Poutine a appris l’Allemand. Son rêve était d’être un agent secret comme dans le film de l’époque soviétique « le glaive et le bouclier » ou le héros à lui seul sauve son pays. Il a réitéré plusieurs fois l’idée que la Russie est européenne : à Sotchi, lors de la réunion annuelle du Club de Valdaï, Le président Poutine a dit : « Certains disent que la Russie tournerait le dos à l’Europe (…) permettez de dire que ce n’est absolument pas le cas ». Poutine avait fait mettre un portrait de Pierre le Grand dans son bureau d’adjoint au maire de Saint Petersbourg chargé des relations internationales.

Frédéric Pons considère que le comportement de Poutine est marqué par sa formation aux arts martiaux (1) « Avec le judo, sa vie bascule, son caractère s’affirme. Il prend confiance en lui. Il se forge pour sa vie d’adulte, une conception totalement martiale des rapports humains, une capacité certaine à la confrontation physique et psychologique qui lui servira des années plus tard, dans ses rapports avec les adversaires. Pratiqué à un très haut niveau, il est champion de Leningrad en 1976, le judo lui a donné ce sens tactique aigu qui surprendra tant de ses interlocuteurs dans ses relations internationales. Il lui permet de jauger et d’agir sans jamais rien révéler de ses propres faiblesses ou de sa pensée profonde. Poutine déclare : «  Le judo n’est pas seulement un sport. C’est une philosophie. C’est le respect de vos ainés et de vos adversaires. Ce n’est pas pour les faibles. Tout dans le judo est instructif ». Toujours selon Pons, « C’est grâce à ce club de judo que Poutine découvre le Traité des cinq Roues », un ouvrage fondamental pour sa formation politique. Ecrit par le Japonais Miyamoto Musashi (1584-1645), célèbre samouraï, considéré comme un des maîtres de la tradition du Bushidô (« bushi signifie ” guerrier ” et dô, la ” voie “»), ce traité de stratégie est aussi un manuel de comportement pour la vie quotidienne. Les textes présentent ce que pourrait être la voie de la sagesse dans l’action, les principes essentiels pour pouvoir gagner : conserver la maitrise de soi et chercher à vaincre sans combattre. Il complètera cette formation par le droit à l’université et la formation propre au KGB. Il fait une thèse d’économie sur le port de Saint Petersbourg.

Il devient ensuite directeur du FSB mais aussi responsable des relations entre le Kremlin et les régions avant que Boris Eltsine lui demande d’être Premier ministre.

En 1999 Poutine publie un texte sur le site du gouvernement russe, La Russie au tournant du millénaire, qui donne ses principales idées à l’époque. Il y parle de « l’inanité historique du communisme (…), ce fut un couloir aveugle, loin du courant dominant de la civilisation » (2). Il se prononce contre la restauration d’une idéologie officielle car, selon lui, il ne faut pas consensus forcé. Le consensus est cependant nécessaire mais doit venir de l’ancrage dans les valeurs traditionnelles, notamment le patriotisme. Poutine manifeste une grande confiance dans le peuple : « La majorité des Russes font preuve de plus de sagesse et de responsabilité que beaucoup d’hommes politiques. Les Russes veulent la stabilité (…) et la possibilité de faire des projets pour eux-mêmes. Pour cela, il faut un Etat fort mais pas totalitaire. L’économie ne doit pas se replier en autarcie et il faut faciliter les investissements étrangers. » Tout cela reste valable aujourd’hui.

L’oligarchie financière au pouvoir

Poutine observe sous la présidence d’Eltsine la mainmise des oligarques richissimes sur la Russie et l’effondrement de l’Etat et de l’économie. Dans son livre, Frédéric Pons (3) parle de ces oligarques parvenus et prêts à tout qui sans grand effort ont récupéré les anciennes entreprises soviétiques. Il raconte notamment qu’en 1990 Bérézovski a proposé un pot de vin pour ouvrir la première station service de Léningrad. A sa stupéfaction, le fonctionnaire refuse : c’est Poutine. Bérézovski veut contrôler le pouvoir et fait éliminer Primakov. Il pousse Eltsine à choisir Poutine comme premier ministre. Le grand voleur comme il s’appelait lui-même commet l’erreur fatale. Président d’Aéroflot, il fait envoyer 80% des bénéfices à Lausanne où l’argent disparait. Il devient un moment secrétaire général du Conseil de sécurité russe et député dans le Caucase. Il deviendra un partenaire des gangs tchtéchènes. En 2001, il s’exile en Grande Bretagne. Il créé le « parti Russie libérale » et finance toutes sortes de gens anti poutine. Pons évoque la thèse de Lougovoï qui pense que Bérézovski, comme Litvinenko étaient des agents britanniques du MI 6 et que ce sont les anglais qui les ont fait assassiner : Bérézovski voulait rentrer en Russie et se faire pardonner et il aurait pu révéler des secrets à Poutine. Cela n’empêche pas feu Gérard de Villers dans un SAS d’accuser Poutine d’avoir tué Bérézovski, sans la moindre preuve.

Un autre exemple est Mikhail Khodorkovski condamné à vie, notamment pour avoir mandaté des gens pour assassiner des gens qui concurrençaient son entreprise de pétrole Ioukos, notamment le maire de Nefteougansk. En prison, Khodorkovski est soutenu par l’Occident et peut donner des interviews. Il est finalement gracié par Poutine et part alors en Suisse.

Il est frappant de voir comment les Occidentaux ont soutenu les oligarques les plus véreux et l’on se souvient de la formule de De Gaulle : « les Américains jouent la carte de la pourriture mais un jour, la pourriture les engloutira. » (Peyrefitte : c’était De Gaulle). On se souvient aussi de ce mot du président Roosevelt à propos du dictateur du Nicaragua Somoza « he may be a son of a bitch but he is our son of a bitch » (c’est peut-être un fils de pute mais c’est le nôtre ! ») Certains contestent et disent que Roosevelt parlait de Trujillo. Cela ne change rien aux mœurs de la diplomatie américaine.

Bref, le triomphe de la troisième fonction en Russie est aussi le triomphe des mafieux. Il faut donc expliquer ce que c’est que le modèle des trois fonctions que nous utilisons ici.

Le modèle des trois fonctions

L’académicien français Georges Dumézil a montré que les populations indo-européennes dont nous sommes issues avaient une conception tripartitionnelle de la société : la société était divisée en une fonction souveraine bipartite (une branche juridico politique et une branche religieuse), une fonction guerrière et une fonction chargée de la production et de la reproduction.

Dans Homère, le mythe de la guerre de Troie débute par la faute de Paris, noble troyen. Il voit arriver devant lui trois déesses, une par fonction : Héra représente la fonction souveraine, Athéna la fonction guerrière et Aphrodite, la déesse de l’amour, la troisième fonction. Paris doit remettre une pomme d’or à la plus belle et il choisit Aphrodite. Il entraine alors Troie dans la ruine car les déesses de la souveraineté et de la guerre vont se venger et prendront le parti des Grecs contre les Troyens.

Il ne faut pas inverser la hiérarchie des fonctions, telle est la leçon du mythe. Il faut aussi un équilibre à l’intérieur des fonctions.

Les Etats fascistes sont morts d’avoir mis la fonction guerrière au-dessus de tout. Les Etats occidentaux ont tendance aujourd’hui, sous l’impulsion des Etats-Unis, à faire dominer la troisième fonction. La religion est marginalisée. La politique est oligarchique. La fonction guerrière, militaire, est aussi marginalisée. Au sein de la troisième fonction, la sous fonction marchande l’emporte sur la sous fonction familiale. La démographie s’effondre. L’économie devient le sens de la vie. C’est le Gestell ou arraisonnement utilitaire des hommes, selon le philosophe Heidegger.

L’inversion de la hiérarchie des fonctions s’accompagne d’une mutation anthropologique très inquiétante. De même qu’il y a trois fonctions sociales selon le modèle de Dumézil, il y a trois parties au sein de l’âme humaine qui correspondent aux trois parties du cerveau : le cerveau rationnel qui commande le calcul abstrait est propre aux hommes mais il tire son énergie du deuxième cerveau propre aux mammifères. C’est l’alliance de ces deux cortex qui fait l’homme civilisé. Cette alliance permet en effet de maitriser le cerveau reptilien qui commande aux instincts de base et qui est naturellement chaotique chez l’homme. La domination de la troisième fonction sociale s’accompagne d’une « libération » du cerveau reptilien avec l’aide du cerveau rationnel. Le cerveau des sentiments humains, de l’amour mais aussi de l’héroïsme est marginalisé car « irrationnel » et contraignant. Ce processus mène à la déshumanisation de l’homme.

C’est ce qui s’est passé en Russie lors de la chute du communisme. Les fonctions souveraines et guerrières, accaparées par le parti communiste, se sont effondrées. La troisième fonction économique et chaotique a pris le dessus comme nous l’avons vu ci-dessus. La natalité s’est effondrée, la criminalité est partie en hausse, la mortalité a augmenté, fait unique dans un pays développé. L’économie elle-même a chuté car elle a besoin d’un cadre stable.

La chance de la Russie, qui ne fut pas celle de l’Ukraine est qu’elle avait de longue date une forte tradition militaire. C’est le milieu des officiers qui est arrivé à contrôler les oligarques et le président Poutine en est l’émanation. La Russie actuelle a rétabli la hiérarchie des trois fonctions. La sous fonction religieuse est réapparue et collabore avec l’Etat. Le président et le patriarche incarnent cette double fonction souveraine. La fonction militaire a été revalorisée. En même temps, les valeurs des deux premières fonctions ont été réaffirmées : patriotisme, moralité chrétienne, sens de l’honneur. Au contraire, l’Ukraine est tombée dans les mains d’oligarques souvent malhonnêtes pour ne pas dire plus, et la situation actuelle ne s’est pas améliorée avec la complicité de l’Occident.

Politique étrangère et patriotisme

La politique étrangère de Poutine a été marquée par une grande déception face à l’Occident. Il considère que la Russie est européenne et propose de réorganiser la grande Europe. Il obtient une fin de non recevoir. Les Européens agissent sur ordre des Américains. Or les Américains appliquent la stratégie de Brzezinski : ils sont l’empire romain et ont pour mission de civiliser le monde. Pour cela il faut contrôler le monde et cela passe par le contrôle de l’Eurasie, le plus grand des continents. Or, la puissance la plus dangereuse en Eurasie est la Russie par sa position géographique entre l’Europe et la Chine. Une alliance Europe/Russie est à éviter à tous prix. Les USA désignent la Russie comme adversaire alors que Poutine désigne l’islamisme radical (qu’il a combattu en Tchétchénie). Il veut défendre notre civilisation commune. Les USA avance des « valeurs universelles » pour justifier la défense de leur leadership. Autrement dit, la Russie revient à une politique étrangère classique non idéologique : défendre ses intérêts et sa civilisation. Les USA défendent une idéologie qui leur donnerait le droit de contrôler le monde : ils sont de ce point de vue comme la défunte URSS.

La Russie, comme autrefois De Gaulle, met en avant le patriotisme. Ce patriotisme russe n’est pas un nationalisme au sens étroit car la Russie est multiethnique même si les Russes représentent 80% de la population. Si l’on reprend le schéma du quadriparti de Heidegger, on peut dire que ce patriotisme a quatre dimensions : la première est la défense du territoire : selon Poutine, l’ours est propriétaire de la Taïga. Il ne cherche pas à envahir d’autres territoires mais il veut qu’on le laisse tranquille dans sa forêt. Ce patriotisme n’est pas du tout impérialiste mais il n’est pas indifférent aux Russes qui se sont retrouvés à l’extérieur de la Russie après la chute de l’URSS. Historiquement et ethniquement, les Russes et Ukrainiens et Biélorusses sont des peuples frères. Au Kazakhstan, entre un quart et un tiers de la population est russe. Pour Soljenitsyne, qui fut décoré par Poutine, le peuple russe au sens large englobe donc quatre pays : la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine et le Kazakhstan. Poutine tente d’organiser cet ensemble avec l’Union douanière ou l’Union eurasiatique mais un des partenaires se dérobe : c’est l’Ukraine, tiraillée entre l’Est et l’Ouest.

Le deuxième pôle du patriotisme est l’éthique : mourir pour la patrie est le devoir le plus noble. Ce n’est pas différent de ce que l’on enseignait sous la Troisième République en France. D’ailleurs, « Mourir pour la Patrie » fut [le refrain de] l’hymne de la République française de 1848 à 1852.

Rappelons Le Chant des Girondins qui fut l’hymne national de la France sous la Seconde République, de 1848 à 1852. (Avec pour auteur Alphonse Vernay) :

1

Par la voix du canon d’alarmes
La France appelle ses enfants,
– Allons dit le soldat, aux armes !
C’est ma mère, je la défends.

Refrain

Mourir pour la Patrie

Mourir pour la Patrie

C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie

C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie

2

Nous, amis, qui loin des batailles
Succombons dans l’obscurité,
Vouons du moins nos funérailles
A la France, à la liberté.

Refrain

3

Frères, pour une cause sainte,
Quand chacun de nous est martyr,
Ne proférons pas une plainte,
La France, un jour doit nous bénir.

Refrain

4

Du Créateur de la nature,
Bénissons encore la bonté,
Nous plaindre serait une injure,
Nous mourons pour la liberté.

Refrain

L’héroïsme est une valeur qui remonte dans les écrits à l’Illiade d’Homère huit siècles avant notre ère. Cette valeur perdure à travers les siècles car elle permet de sauver les peuples qui la pratiquent.

Du côté des hommes (cause motrice), elle concerne tous les citoyens et dépasse le nationalisme ethnique. Dans une brochure éditée par le club de Valdai en février 2014, L’identité nationale et l’avenir de la Russie, les auteurs insistent sur l’importance du panthéon des héros de la Russie, modèle pour la jeunesse. L’armée devient ainsi un modèle éthique, bien au-delà de sa fonction immédiate de défense. Il est pour cela important que l’armée fournisse la vie politique en officiers pour insuffler cet esprit de désintéressement et de sacrifice nécessaire à la collectivité nationale.

Enfin, du côté de la cause finale, à laquelle la religion est associée, La Russie a une tradition où le patriotisme est lié historiquement à la religion orthodoxe : la Sainte Russie, a-t-on toujours dit. Dostoïevski parle du Dieu russe qui doit sauver le monde.

Le patriotisme n’est donc pas une idéologie purement intellectuelle et construite sciemment, c’est une valeur, un comportement existentiel qui repose sur une très ancienne tradition qui a fait ses preuves. On ne meurt pas pour une abstraction. La patrie est un peu l’équivalent de la famille et porte une grande charge affective. On meurt pour défendre sa religion, sa famille ou sa patrie mais pas pour la sécurité sociale, et même pour son entreprise.

Le recours aux traditions selon Gehlen et Hayek

Ce recours aux traditions de la Russie actuelle est l’inverse du totalitarisme qui repose sur la destruction des traditions. La révolution exalte l’ego contre Dieu, les masses contre la personnalité classique formée par la Paidéia, l’appât du gain ou du pouvoir contre le sens de l’honneur (Dostoïevski dans Les Démons explique que le révolutionnaire doit détruire le sens de l’honneur en priorité) et la technique et l’économie doivent faire prévaloir leurs logiques contre les racines : un collègue m’expliquait qu’il fallait abattre l’Arc de Triomphe qui ne servait à rien et y construire un immeuble de rapport (raisonnement digne du Rakitine de Dostoïevski dans Les Frères Karamazov).

Voyons pourquoi un penseur libéral mais d’abord scientifique comme Hayek défend les traditions.

Hayek a eu le prix Nobel d’économie mais il fut aussi un théoricien de l’évolution des institutions sociales. Il développa sa thèse de la convergence des traditions et de la liberté notamment dans deux de ses ouvrages « Droit, Législation et Liberté » (tome 3) et « la prétention fatale ».

Dans l’épilogue de Droit, Législation et Liberté, tome 3 : L’ordre politique d’un peuple libre, Hayek explique qu’une erreur courante est de croire que les valeurs sont, soit d’origine innées (génétiques) soit produites par la pensée rationnelle. Les traditions, qui sont vitales, ont une autre source.

Origine historique, ni génétique, ni rationnelle des traditions

« La culture dans la civilisation n’est ni naturelle ni artificielle, elle n’est transmise ni génétiquement ni rationnellement élaborée. Elle est transmission de règles apprises de conduite qui n’ont jamais été inventées par un individu et dont la fonction est souvent incomprise des individus qui agissent. Il est justifié de parler de la sagesse intrinsèque à cette culture. »

La pensée dite moderne a tendance à croire que seules les règles innées ou délibérément choisies seraient bonnes, les règles muries par l’histoire étant arbitraires. « Et pourtant, en réalité la civilisation a été largement rendue possible en soumettant les instincts animaux héréditaires aux habitudes non rationnelles intégrées dans nos sentiments, qui ont permis de constituer des groupes vivant de façon ordonnée et de dimensions croissantes »(4)

La science montre que la culture et la raison humaines se sont développées dans un processus d’interaction. C’est faux de croire que c’est la pensée qui a créé la culture sans influence inverse.

La culture a tout autant permis le développement de la raison. L’homme n’a pas créé la culture mais a imité les bons comportements : il était plus avantageux pour lui de suivre la coutume que de chercher à la comprendre. « Il y a plus d’intelligence dans les règles de conduite que dans les pensées d’un individu concernant ce qui l’entoure. (…) L’esprit est enrobé dans une structure traditionnelle et impersonnelle de règles apprises filtrées par l’histoire ». (5) Ce filtrage des « bonnes « règles vient de ce que les groupes qui les appliquaient survivaient et prospéraient.

La « bonté » de l’homme, produit des traditions

Nos instincts naturels nous guident pour nos comportements dans les petits groupes mais ils n’ont rien à voir avec les règles abstraites que nous appliquons en commun. Les instincts « naturels » sont animaux et pas forcément « bons » contrairement à ce que croit une pensée moderne superficielle.

Selon Hayek, « ce qui a rendu les hommes bons n’est ni la nature ni la raison mais la tradition ». (6)

Les normes de la civilisation ne servent pas à satisfaire les émotions humaines venues des cerveaux reptilien et mammifère, mais elles ont servi de signaux indiquant à l’individu ce qu’il devait faire dans des circonstances qui se répètent. Elles ont permis ainsi notre survie et notre développement.

L’évolution des normes morales et culturelles est venue d’individus qui ont rompu avec d’anciennes règles, souvent instinctives, « non parce qu’ils comprenaient que les nouvelles règles étaient bonnes mais parce que les groupes qui les appliquaient prospéraient davantage que d’autres et s’accroissaient ». Ces règles ont pris souvent une forme magique ou rituelle pour pouvoir être acceptées. La propriété, la concurrence, le respect des contrats se sont fait en contravention avec des règles antérieures liées à l’économie de chasse. Désormais, ce ne sont plus les besoins connus de gens connus mais des règles abstraites et des signaux impersonnels qui guident les actions, notamment en économie.

Nous avons trois strates de règles qui peuvent se contredire : des règles innées, des règles conscientes visant des fins spécifiques et ces règles issues de la tradition qui sont souvent les meilleures et que l’on suit par imprégnation affective. Hayek va plus loin   « l’homme n’a jamais inventé ses institutions les plus fécondes, depuis le langage jusqu’au droit en passant par la morale ; et qu’encore, il ne comprend pas pourquoi il devrait les préserver lorsqu’elles ne satisfont ni ses instincts ni sa raison. Les outils de la civilisation, le langage, la morale, le droit et la monnaie (sans doute aussi l’art) sont tous le fruit d’une croissance spontanée et non d’un dessein planifié ».

Or ces règles mal comprises ne servent pas le plaisir, lequel est lié à des conditions basiques primitives. Les utilitaristes anglo-saxons qui font dériver du plaisir (utilité) les règles se trompent.

Discipline et liberté

« L’homme ne s’est pas développé dans la liberté. Le membre de la petite bande primitive à laquelle il lui fallait rester agrégé s’il voulait survivre, était rien moins que libre. La liberté est un produit de la civilisation » permis par le développement graduel de disciplines qui s’imposent même au chef. Les règles disciplinaires protègent de l’arbitraire individuel en créant un domaine protégé pour chacun. « Nous devons notre liberté aux bornes de la liberté » qui nous protègent des caprices des individus anarchiques. Il faut donc obéir à des règles abstraites même si c’est désagréable.

En économie, Hayek, qui défend l’économie libre de marché, précise : « Nous n’avons jamais inventé notre système économique ; nous n’étions pas assez intelligents pour le faire. Nous sommes tombés dedans par hasard et ils nous a porté à des hauteurs jamais imaginées puis suggéré des ambitions qui peuvent encore nous mener à le démolir ». (7)

Notre société civilisée n’a pu se développer que grâce à un idéal moral « où l’estime allait à l’homme prudent, au bon chef de ménage et fournisseur qui pourvoyait à l’avenir de sa famille et de ses affaires en accumulant du capital, guidé moins par le désir de beaucoup consommer que par l’ambition d’être considéré comme avisé et habile par ses collègues, dont les buts étaient analogues. Ce furent les milliers d’individus pratiquant la nouvelle façon de vivre qui firent fonctionner durablement l’ordre du marché.

Tout progrès doit être basé sur la tradition

Pour beaucoup, l’économie de marché est incompréhensible et semble arbitraire. On rêve d’une juste distribution par l’Etat comme dans de petits groupes de chasseurs primitifs. Le socialisme est fondé sur ces émotions anciennes. Le lien entre liberté et propriété a été trouvé par les anciens Grecs qui étaient aussi des militaires : liberté et victoire étaient liées par expérience à la discipline.

Hayek montre que la tradition n’est pas « figée » : « la tradition n’est pas quelque chose de constant mais le résultat d’un processus de sélection guidé, non par la raison, mais par le succès. Elle change mais peut rarement être délibérément changée. La sélection culturelle n’est pas un processus rationnel (…) pas plus que nous n’avons bâti l’ensemble notre système moral, il n’est en notre pouvoir de le changer en bloc (…) et puisque nous devons l’ordre de notre société à des règles transmises dont nous ne comprenons qu’en partie le sens, tout progrès doit être basé sur la tradition. Nous devons bâtir sur son fondement et ne pouvons que tenter de réparer les défauts de ce qu’elle produit. C’est seulement en mettant en évidence un conflit entre une certaine règle et le reste de nos idées morales que nous pouvons justifier le rejet d’une règle établie » (8).

Le rôle de la morale dans le progrès

« Selon Hayek, « l’éthique n’est pas pour nous affaire de choix (9). Nous ne l’avons pas fabriquée et ne pouvons pas la remodeler. (..) On a tort dans la société actuelle, de parler de « bonté naturelle » car avec ses instincts innés, l’homme n’aurait jamais pu édifier la civilisation dont dépend la subsistance des multitudes (..). Pour la construire, l’homme a dû rompre avec des comportements affectifs bons pour la petite bande et se soumettre aux sacrifices que la discipline de la liberté exige, mais qu’il déteste. La société abstraite repose sur des règles apprises et non sur la poursuite en commun d’objectifs désirables que l’on perçoit ; désirer faire du bien à des gens que l’on connait ne produira pas le maximum pour la communauté qui requiert plutôt l’observation de règles abstraites apparemment dénuées d’objectifs ». C’est contraire à notre sensibilité primitive.

Hayek ajoute cette forte vérité : « l’homme a le plus souvent été civilisé contre son gré (…), les règles indispensables de la société libre exigent de nous bien des choses déplaisantes, telles que de supporter la concurrence des autres, d’en voir de plus riches que nous-mêmes, etc. (…) et la discipline du marché nous oblige à calculer, c’est-à-dire à être responsables de l’emploi des moyens par lesquels nous poursuivons nos fins ».

On ne peut pas doser le progrès ni prédire les effets précis de telle ou telle mesure ; on ne peut pas savoir la direction désirable du progrès car un progrès dirigé ne serait pas le progrès (…), j’entends déjà nos modernes intellectuels foudroyer cette insistance sur la tradition par leur mortelle épithète de mentalité conservatrice. Mais pour moi, il ne peut y avoir aucun doute : ce sont des traditions morales favorables plutôt que des projets raisonnés qui ont rend le progrès possible dans le passé et qui feront de même dans l’avenir.

L’égalitarisme et le laxisme au service des instincts primitifs

« Le socialisme tout entier est un produit de la résurgence des instincts primitifs. (…) L’élément le plus destructeur de la morale constructiviste (hostile aux traditions) est l’égalitarisme. Celui-ci est destructeur car il prive les individus de la signalisation qui peut leur ouvrir l’occasion de choisir la direction de leurs efforts mais aussi parce qu’il élimine l’incitation à observer les règles morales en les privant de l’estime hiérarchisant de leurs semblables. La morale présuppose un effort résolu vers l’excellence et que l’on reconnaisse que certains y réussissent mieux que d’autres. Sans cela, la moralité ne peut que disparaitre. L’égalitarisme n’est pas une opinion majoritaire mais favorise l’irresponsabilité. »

L’autre ennemi de la civilisation est le laxisme. Selon Hayek, « par ses profondes répercussions sur l’éducation, Sigmund Freud est probablement devenu le plus grand démolisseur de la culture (…). Son objectif fondamental qui fut d’abolir les répressions culturelles acquises et d’affranchir les pulsions naturelles a ouvert la plus fatale offensive contre la base de toute civilisation (…) c’est la moisson de cette semence que nous récoltons aujourd’hui. Ces sauvages non domestiqués qui se représentent comme aliénés de quelque chose qu’ils n’ont jamais appris et qui même entreprennent de bâtir une “contre-culture” sont le produit de l’éducation permissive qui se dérobe au devoir de transmettre le fardeau de la culture et se fie aux instincts naturels qui sont les instincts du sauvage ».

Hayek considère que ces théories relèvent de la superstition. La superstition consiste à croire qu’on en sait plus qu’on en sait en réalité. On a fait confiance en la raison pour justifier nos mauvais instincts en écartant les traditions parce qu’elles nous dérangeaient. Elles exigeaient de la discipline, sans laquelle il n’est pourtant pas de liberté. Or la science aujourd’hui met à jour les limites de notre raison. On ne peut pas remplacer en bloc les institutions et les valeurs sélectionnées par des siècles d’expérience. Le savoir individuel est toujours limité et il faut s’en tenir aux traditions qui ont fait leurs preuves pour assurer la paix, la prospérité et la reproduction de l’espèce.

C’est pourquoi les traditions sont le seul socle valable sur lequel on peut bâtir une société de liberté. Un conservatisme fondé sur ces réflexions est plus près de la vérité qu’un « progressisme » prétentieux et constructiviste selon lequel l’homme pourrait rebâtir arbitrairement la morale et les institutions clés qui ont permis le développement de la civilisation. Ce conservatisme intelligent est donc garant à la fois de l’ordre et du progrès.

Arnold Gehlen a aussi justifié l’importance des traditions à partir cette fois de l’anthropologie. L’homme a des instincts chaotiques et a besoin de culture pour résister à ce chaos.

La démocratie de la Russie actuelle

C’est une nouveauté depuis le XIVe siècle, date où le Tsar Ivan III vainquit la cité libre de Novgorod. En effet, à cette époque les républiques de Pskov et Novgorod vivaient sous le régime de la démocratie directe. Une assemblée de citoyens, le viétché (assemblée populaire), jouait le même rôle que la  landsgemeinde  (communauté rurale) dans la Suisse alémanique. Plus tard, il est vrai que la Russie a peu de traditions démocratiques. Mais elle s’appuie sur des traditions qui limitent l’arbitraire : la religion orthodoxe et l’armée sont ainsi des institutions protectrices contre le désordre, interne ou externe.

Le régime actuel est-il démocratique ? Formellement, il l’est autant que les régimes d’Occident : il y a des élections, et une constitution, copiée sur l’Occident.

Matériellement, une démocratie repose sur des classes moyennes et une économie prospère ainsi que sur le droit de propriété. Tout cela existe en Russie. La fiscalité est bien plus faible. Le niveau de vie a doublé depuis que Poutine est au pouvoir.

La force motrice d’une démocratie est dans les hommes. Les citoyens doivent être patriotes. L’abstention et l’incivisme croissent en Occident qui n’est plus un modèle à cet égard : la Russie rappelle notre Troisième République avec son civisme.

Du point de vue de la cause finale, c’est-à-dire de l’identité entre la volonté de l’Etat et celle du peuple, la Russie est très supérieure à la plupart des pays avec 86% de la population qui soutient la politique du président Poutine.

Donc, du point de vue des causes matérielle et formelle, il n’y a guère de différence entre la Russie et l’Occident du point de vue démocratique. Du point de vue des causes motrices et finales, la Russie est plus démocratique que la plupart des pays occidentaux (sauf la Suisse).

D’ailleurs, contrairement à ce que l’on croit souvent en Occident, Poutine se situe au centre de l’opinion, c’est un « centriste » en quelque sorte, et non un extrémiste.

Conclusion

La Russie nouvelle est une démocratie avec des libertés, des élections, l’ouverture sur l’étranger mais la hiérarchie des trois fonctions a été rétablie. C’est une démocratie tripartitionnelle, pourrait-on dire, différente du totalitarisme communiste qui avait détruit la troisième fonction et différente de l’Occident dominé par le Gestell (dégénérescence des deux premières fonctions)

La haine contre Poutine

Poutine est détesté car

1/ il bloque l’impérialisme américain ;

2/ il reconstitue une puissance (De Gaulle : l’épée est l’axe du monde) ;

3/ il s’oppose au Gestell et défend les traditions, et notamment la famille, la patrie et les religions traditionnelles dont l’orthodoxie.

Les succès de Poutine

Le succès intérieur est évident : réussite économique (niveau de vie multiplié par deux sous sa présidence), politique (stabilité et montée en puissance de la Russie), culturelle (politique familiale et éducative) et spirituelle (renouveau des religions traditionnelles et notamment de l’orthodoxie qui coopèrent avec l’Etat).

Le succès à l’étranger est plus grand qu’on ne le croit : aux Indes, en Chine, en Amérique latine ; en Europe, il y a des fissures comme la Hongrie ou la Serbie. En Europe Occidentale, il n’y a pas d’unanimité anti-Poutine.

Or le succès est contagieux. Qui menace le plus la paix  sinon les USA ? L’Europe est un demi-échec. Les forces de mort la menacent. Face à elles, Poutine représente ou peut représenter un espoir.

Par Ivan Blot
 

Notes :

– De la rédaction :

(*) Voir le programme du cycle, à la fin de l’article – Le retour de la Russie – 1re Conférence d’Ivan Blot
(**) Voir aussi Bernard Mazin, Poutine de Frédéric Pons

– Du conférencier :

(1) Frédéric Pons, Poutine, Calmann-Lévy, p.46
(2) Ibidem, p.345
(3) Frédéric Pons ; Poutine, chapitre 5 : l’argent ou le pouvoir, p.149
(4) Droit, Législation et liberté, édition française PUF, 1983, p. 185
(5) Ibidem, p.190
(6) Ibidem, p.192
(7) Sur ce dernier point, voir Hayek : La prétention fatale ou les erreurs du socialisme .
(8) Hayek, Droit, Législation et Liberté, op.cit. p.199
(9) Réponse à l’idéologie « pro choice » et « childfree » qui vient des USA

Source : Polémia.com

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