Reportage complet sur Enoh Meyomesse L’inconnu de Kondengui selon Issa Tchiroma Bakary le perroquet du régime de Yaoundé.
Reportage complet sur Enoh Meyomesse
L’inconnu de Kondengui selon Issa Tchiroma Bakary le perroquet du régime de Yaoundé.
L’inconnu de Kondengui
Enoh Meyomesse. L’on ne sait que très peu de choses de cet écrivain et homme politique détenu à la prison centrale de Yaoundé.
Sa chevelure grisonnante et ses lunettes posées au milieu d’un visage émacié ont quelque peu marqué les téléspectateurs de la Crtv. Septembre 2011.
Enoh Meyomesse anime la tranche d’antenne consacrée à la campagne électorale du candidat du Manidem à la présidentielle. Sa langue est bien pendue et ses critiques contre le pouvoir Rdpc et son chef, acerbes.
Mais tout bascule pour cet homme politique et écrivain après le « sacre » de Paul Biya. Le 22 novembre 2011, il est cueilli à sa descente d’avion à Douala alors qu’il revient d’un voyage à Singapour. Il est soupçonné, avec des complices présumés, d’avoir braqué des orpailleurs dans la localité de Bétaré-Oya à l’Est du Cameroun. Tout s’accélère. Après une garde à vue dans les cellules de la gendarmerie de Bertoua, il est écroué à la prison centrale de Kondengui d’où il est inculpé pour « vol aggravé » par le juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé.
Qui est donc cet homme dont l’interpellation mobilise depuis plusieurs semaines des intellectuels, des écrivains d’ici et d’ailleurs, ainsi que des hommes politiques ? Très peu de choses filtrent sur Enoh Meyomesse. Difficile simplement de connaître son domicile. Certains affirment qu’il habite le quartier Mvan à Yaoundé, alors que d’autres soutiennent vaguement le voir souvent « traîner vers les rails à Nsam ». Même son avocat ne sait pas grand-chose sur son client. « Aucun membre de sa famille ne s’est manifesté, regrette Me Jacques Mbuny. Ce sont uniquement les bonnes œuvres qui volent à son secours pour l’instant. » « C’est un personnage atypique », commente pour sa part le journaliste Jean-Bosco Talla, qui a rencontré Enoh Meyomesse à Kondengui, il y a quelques jours.
Militant
Sur son blog créé en janvier 2008, l’on apprend que cet homme de 57 ans est diplômé de l’Institut d’études politiques de Strasbourg et maître en science politique de l’université de Paris II. Il a eu un long passé de militant au sein de l'Union nationale des étudiants du Kamerun (Unek), de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (Feanf) et de l’Organisation camerounaise de lutte pour la démocratie, créée par Abel Eyinga et Jean-Michel Tekam. Il a été candidat aux élections législatives de 1992 sous les couleurs du Pal et en 1997 sous la bannière de son propre parti, le Parti de la renaissance nationale (Parena). En 2004, il est aux côtés de Garga Haman Adji à l’élection présidentielle. En 2011, il devient directeur de la campagne d’Anicet Ekané après le rejet de sa propre candidature.
Enoh Meyomesse est l’auteur de plusieurs ouvrages : « Retrait et retour de l'Etat au Cameroun », « La désillusion permanente au Cameroun : d'André-Marie Mbida à Paul Biya », « Le carnet politique de Ruben Um Nyobè », « Le limogeage d'Ahmadou Ahidjo », « La Chute d'André-Marie Mbida ». Ceux qui l’ont côtoyé décrivent un homme simple, une exceptionnelle mécanique intellectuelle, détaché des biens matériels. Il se dit que depuis son retour au Cameroun en 1987, il a refusé de demander un emploi tant que Paul Biya serait au pouvoir.
La démarche dégingandée et la veste toujours ample, on voit cet homme frêle battre le pavé à longueur de journée à Yaoundé. Son inculpation pour vol aggravé passe difficilement auprès de ses amis et sympathisants. « Cet homme n’a rien fait. Il est victime de machination », affirme Jean Takoungang, militant du Sdf. Une autre source, qui a souhaité garder l’anonymat, ajoute que Enoh Meyomesse est un quasi paria au sein de sa famille en raison de ses critiques acerbes contre le pouvoir. « Il est issu d’une famille qui a tout obtenu du régime. Un cousin à lui est d’ailleurs député Rdpc. Qu’il soit donc critique envers le pouvoir, fait un peu désordre au sein de la famille. »
On attend le début de l’information judiciaire qui a été ouverte contre lui pour en savoir un peu plus, non seulement sur l’homme, mais aussi sur cette histoire de vol d’or pleine de zones d’ombre.
Par Jean-Bruno Tagne
L’inconnu de Kondengui - Les réseaux de soutien à Enoh s'activent
Les réseaux de soutien à Enoh s'activent
Mobilisation. Hommes politiques, journalistes, avocats et écrivains. Ils sont nombreux qui ont rejoint la campagne « «Libérez Enoh Meyomesse».
Enoh Meyomesse a été placé en garde à vue à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé le 22 décembre. Soupçonné du braquage d'une mine d'or à Bétaré-Oya. L'affaire aurait pu passer inaperçue s'il ne s'était agi d'Enoh Meyomesse : homme politique, historien et écrivain camerounais. Depuis lors, les réseaux s'activent et les messages de soutien affluent.
A la tête de cette campagne internationale, un homme : Patrice Nganang. Universitaire et écrivain camerounais résidant aux États-Unis, c’est par lui que tout passe. Mais Patrice Nganang n'est plus seul. Il a été rejoint dans son combat par des écrivains africains et occidentaux, ainsi que de nombreuses personnalités : un prix Nobel, des artistes, des avocats, des journalistes et des hommes politiques.
C'est d'abord Cameroon o'Bosso, fondé par Kah Walla, présidente du Cpp, qui avait en premier appelé à la libération d'Enoh Meyomesse le 27 décembre 2011. « Depuis plus d’un mois, Enoh Meyomesse, écrivain et homme politique camerounais bien connu, a été interpellé et écroué tour à tour à la prison de Bertoua puis maintenant à la prison militaire de Yaoundé. (…) Dans cette affaire, qui a tout l’air d’un règlement de comptes politiques, nous demandons au gouvernement de libérer dans les plus brefs délais et sans conditions Enoh Meyomesse », écrivait Cameroon O'Bosso. La présidente du Cpp est allée le rencontrer le 31 décembre 2011 à Kondengui.
Anicet Ekané, l’ancien président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), a aussi rejoint Patrice Nganang dans le comité de soutien à l’écrivain Enoh Meyomesse. Ce dernier avait d'ailleurs soutenu la candidature du Manidem à la dernière élection présidentielle.
Sur internet, un appel à la libération d'Enoh Meyomesse circule. Il est signé par Jean-Marie Gustave Le Clézio, le prix Nobel de la littérature en 2008, le critique américain Ken Harrow, l’écrivain togolais Kossi Efoui, Eugène Ebodé, Nicolas Martin-Granel, critique littéraire français, Jean-Luc Raharimanana, écrivain malgache, Koulsy Lamko, écrivain tchadien et Muepu Muamba, écrivain congolais. Pour eux, l'affaire est essentiellement politique. Ils assimilent Enoh Meyomessse au « Jean-Paul Sartre camerounais ». « Une âme aussi grande ne peut pas participer par ses actions, de ce crime si bas dont il est accusé. Libérez Enoh Meyomesse ! », peut-on lire dans leur appel.
Radio France Internationale s'en est d'ailleurs fait l'écho vendredi dernier au cours de son journal de 13h30. Interviewé par le présentateur Laurent Sadou, Nicolas Martin-Granel, le critique français, a qualifié le Cameroun de « République bananière ».
Par Boris Bertolt
L’inconnu de Kondengui - La version du gouvernement
La version du gouvernement
Au cours d'une conférence de presse, le 20 décembre dernier, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, donnait la version du gouvernement. D'après lui, tout a commencé en début novembre, quand « trois individus se sont rendus à Bétaré-Oya à l’Est, où abondent l’or et le diamant. Ils ont identifié une société d’orpailleurs appartenant à deux Coréens ». Et le 11 novembre, aux environs de 17h30, les trois compagnons ont fait irruption dans la société susmentionnée, avec des armes à feu. Ils tombent sur cinq employés qui détenaient 5 kg d’or. « Sous la contrainte, ils leur en prennent un kilogramme. Alertée, la gendarmerie a pu rattraper deux des voleurs qui, durant leur interrogatoire, ont indexé Enoh Meyomesse comme étant le commanditaire de l’opération.» De retour de Singapour où il a « des partenaires ou complices », poursuit le porte-parole du gouvernement, Enoh Meyomesse a été arrêté à Yaoundé et conduit sur les lieux du forfait à l’Est. En ce moment, « vu qu’il s’agit d’un vol à main armée, Enoh Meyomesse est mis à la disposition du tribunal militaire ». Pour le gouvernement, « son arrestation rentre dans le cadre du grand banditisme ».
Par B. B.
Source : quotidienlejour
L’inconnu de Kondengui - Réactions
“Il est victime de luttes de clans” : Vincent Sosthène Fouda, homme politique
J’ai rencontré Enoh Meyomesse il y a quatre ans au moment où je déclarais ma candidature à la présidentielle. A mon arrivée au Cameroun, il a été le premier homme politique à être spontanément venu me voir. J’ai donc pu mettre un visage sur ce nom. C’est un homme frêle, qui ne donne pas l’impression d’être un manipulateur d’armes. C’est l’une des mémoires vivantes du Cameroun… Nous sommes dans un Etat de droit ; tout citoyen accusé d’un crime ou délit bénéficie de la présomption d’innocence. Par conséquent, tant que l’instruction n’est pas achevée, on n’a pas à l’exhiber comme on l’a fait pour Enoh. C’est grave.
L’affaire Enoh Meyomesse est une affaire de droit commun. Il est accusé de vol d’or. Mais cette affaire se corse quand c’est le ministre de Communication, porte-parole du gouvernement, qui s’exprime. Ça devient donc politique. On nous dit qu’Enoh Meyomesse a braqué un kilogramme d’or. On apprend donc par là que, dans ce pays, il y a des gens qui récoltent un kilogramme d’or par jour, qu’on peut voler de l’or, l’emmener à Singapour, le vendre et revenir tranquillement au pays sans qu’on ne nous montre ni les armes, ni le butin… Enoh n’a rien à faire en prison.
L’écrivain Patrice Nganang, comme l’avait fait Mongo Béti pour Titus Edzoa, a lancé une pétition internationale pour soutenir un collègue, mais surtout l’humanité. A l’instar de Dreyfus, Enoh Meyomesse est victime de petites luttes de clans. C’est néfaste pour la vie de la démocratie dans ce pays.
“Enoh est présumé coupable” : Jean Takoungang, militant du Sdf
Ma conviction est qu’Enoh Meyomesse ne peut pas être un braqueur. Je n’y crois pas du tout. Cette histoire de vol d’or est complètement invraisemblable. Il est victime d’une machination. Il se trouve simplement que le Rdpc qui nous gouverne est un pouvoir tribaliste qui ne supporte pas de voir un homme originaire de la même ethnie que le président de la République se montrer critique envers celui-ci. Le plus terrible c’est qu’Issa Tchiroma, le ministre de la Communication, au mépris de la présomption d’innocence, a déjà présenté cet homme comme un brigand, avant même que l’affaire n’ait été jugée. Donc, Enoh est présumé coupable. C’est regrettable.
Propos recueillis par
J-B. T.
Source : Quotidienlejour
Cameroun : Interview du Commissaire Junior Zogo, Représentant du Comité de Soutien Liberezenoh sur Cameroonvoice.
Ou recopiez et collez le lien ci-dessous directement sur Internet.
http://podcast.cameroonvoice.com//default/Ibii%20Otto-Antenne%20Libre%2014%20Janvier%202012-rcv.mp3