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Comprendre les dessous du coup d’état au Mali : Interview de Luc Banemeck.

30 Mars 2012 , Rédigé par afrohistorama, Toute l'histoire sans histoire

Comprendre les dessous du coup d’état au Mali : Interview de Luc Banemeck.  

 

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Depuis plusieurs semaines aujourd’hui que le Mali s’est embrassé à partir du Nord, avec l’attaque des rebelles Touaregs, et aujourd’hui le coup d’état militaire. Qu’est ce qui se passe réellement au Mali, bon élève sur le plan démocratique de l’occident ? Pour répondre et comprendre les dessous de la crise Malienne, on a fait  appel à notre Stratégiste panafricaniste  Luc Banemeck.

 

Afrohistorama : Pouvez-vous nous dire ce qui se passe aujourd’hui au Mali, alors que juste à coté, au Sénégal voisin on vient d’élire un nouveau président de la république a travers un processus électoral  que tous les Africains considèrent comme exemplaire?

 

Luc Banemeck : En effet c’est un paradoxe de l’Afrique. Mais est ce que tous les Africains doivent-ils faire la même chose au même moment ? je dit non. On a souvent tendance à homogénéiser l’Afrique. Si l’Afrique c’est un même peuple sur le plan culturel. Sur le plan politique ou économique c’est une autre chose. Car ayant subit le formatage de différents pays Européens sur tous les plans, il faut donc pas s’attendre à une identité plurielle des comportements et des attentes. Donc ce qui se passe en ce moment au Mali et ce qui se passe au Sénégal est normal.

Qu’est-ce qui se passe réellement au Mali ?

 Depuis plusieurs  années, dans la partie septentrionale du Mali s’exerce une rébellion dite Touareg. Que revendique ces derniers. Le droit à l’indépendance, donc à la création d’un état, comme le fait le front Polisario au Maroc depuis le départ des espagnols. 

Cette situation qui ne date pas d’hier a toujours été dénoncée par plusieurs Maliens, comme le Dr Mariko, président du SADI (Solidarité Africaine pour la démocratie et l’indépendance), principal parti d’opposition Malien. Pur tout vous dire, le régime malien n’a jamais pris au sérieux cette rébellion qui d’année en année a pu se former et renforcer ses capacités militaires.

 

 

En dehors de cette rébellion, l’opposition Malienne dénonce également la situation politique économique et sociale du Mali et plus activement ces derniers mois, le part SADI a interpellé et mis en garde le régime d’Amadou Toumani Touré, alias ATT contre tous ces maux qui risquent de replonger le Mali dans l’obscurité et l’obscurantisme des époques Moussa Traoré, le dictateur Sanguinaire déposé début des années 90. ATT a fait le sourd.

Selon certaines sources et suivant la déclaration du chef des putschistes le capitaine Sanogo rien n’a été prémédité [ECOUTONS LE].

 Plusieurs militaires se sont rendus auprès du Ministre de la défense pour exposer leur situation dans le front nord, ce dernier n’a pas trouvé d’intérêt dans les revendications des soldats, Ce qui explique le début de la mutinerie.

C’est dans un souci patriotique et pour éviter un carnage qu’il (Capitaine Sanogo) s’est interposé pour calmer les militaires qui ne voulaient plus rien entendre.

Pour eux la capitulation dans le nord d’ATT n’est pas celle de l’armée malienne,  ils accusent même certains conseillers d’ATT de collusion  et d’intelligence avec les rebelles Touaregs, pour les militaires un tel comportement est un déshonneur pour le Mali et pour les nombreuses victimes civiles et militaires.

«Ce putsch militaire a été facile grâce à ce laxisme dont a toujours fait preuve ATT face à toutes les situations et notamment celles du nord qui ont rapidement dégénéré. Alors, aujourd'hui les évènements nous forcent la main. Et face à une situation dramatique de blocage, nous n'avons pas le droit de renoncer ou de nous abstenir ». Dixit  Dr Mariko

Parfois certain coup d’état sont salutaire pour un pays, d’autre pas. Celui du Mali renferme les ingrédients d’un coup d’état salutaire. Car le Dr Mariko est un panafricaniste reconnu par l’élite panafricaniste. Il ne saurait être taxé de vendu. Par conséquent, nous sommes tous derrière lui s’il soutien ce coup d’état, nous le soutenons aussi. Il ne faut pas chercher de midi à 14 heures.

Je rappelle àtout ce qui crions àl’insoutenable. Je leur dirais ceci : « la résistance à l’oppression » est un « des droits naturels et imprescriptible de l’homme ».

Ainsi peut-on résumer les articles 2, 10 et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le peuple Malien ne fait que résister à une oppression d’un régime qui n’a que trop durer. Les occidentaux qualifiaient le régime d’ATT de démocratique. Et vous connaissez lorsque ces derniers vous qualifient de démocratique, cela veut dire vous ne l’êtes pas (la Cote d’ivoire et de la Libye sont là pour nous rappeler ce que les occidentaux appellent démocratie en Afrique). Il ne faut jamais confondre entre la perception démocratique et la réalité démocratique.

La perception démocratique c’est lorsqu’un système présente toutes les apparences d’une démocratie  dans la forme sans en avoir dans le fond. C’est le cas de plusieurs pays Européens ou Africains.

Afrohistorama : Donc selon vous la situation actuelle du Mali était prévisible ?

Luc Banemeck : Tout à fait, elle n’est pas tombée du ciel, cette situation était prévisible. Vous ne pouvez pas laisser des bandes armées se mouvoir impunément pendant des années, dans le pays, sans conséquence. Le Dr. Mariko  a raison lorsqu’il parle de laxisme.

Cette situation était non seulement prévisible en raison de la présence de ces bandes armées, mais aussi de Al-Qaeda du dessert (AQMI) qui  est venu compliqué la donne.

Dans une nation, il faut toujours faire des choix.  Parmi ces choix il y a la sécurité des biens et des individus. Ici on peu très bien constater que le choix de la sécurité était reléguer au dernier plan sous des faux prétexte du genre ces groupes armées ne représentent rien sur le plan militaire, ou le Mali doit d’abord développer son économie etc.…

Mais, pour toute personne qui fait de la prospective. Avoir des bandes armées dans un pays est plus dangereux qu’avoir une économie en lambeau. Puisque tous les efforts consentis seront anéantis par ses bandes armées.  De plus ces bandes peuvent passer sous le contrôle de l’ennemi à tout moment. Et vous connaissez les conséquences lorsque l’ennemi est de l’intérieur.

Afrohistorama : je souhaite que l’on revienne sur ce coup d’état, qui jusqu'à présent n’est pas soutenu par les hauts responsables de l’armée Malienne. Quelles sont selon vous les raisons de leur mutisme ?

Luc Banemeck : C’est tout à fait normal dans les dictatures Africaines, les hauts gradés ne font jamais des coups d’états, parce qu’ils sont gavés par le régime qui leur donne tout ce donc ils ont besoin pour acheter leur conscience. Je pense que c’est ce qui explique leur mutisme.

Afrohistorama : Il y a aussi le mutisme de l’ancien président Alpha Omar Konaré. Qu’est –ce que vous en pensez ?

LucBanemeck : Son silence est révélateur des reproches qu’il doit faire à l’ endroit d’ATT. Ne pas venir à la rescousse d’ATT confirme bien ce que je disais plus loin que ATT jouait les démocrates, mais il n’en était pas un.

Afrohistorama : Beaucoup d’Africains accusent la France d’être derrière ce coup. Qu’en pensez-vous ?

Luc Banemeck : Je pense que la France n’est pas derrière ce coup. Comme dans le cas de la Tunisie. Elle essaie de rattraper la situation en donnant l’impression. La déclaration de son ministre des affaires étrangères Alain Juppé qui demande aux Mutins d’organiser des élections, alors qu’ils ont suspendu la constitution est un message codé qu’il envoie. En leur disant  Eh! Les gars si vous avez besoin de nous on est là. On prend acte de ce que vous avez fait. ATT on oublie. Comme disait De gaule Charles «les nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts ». Si la France pouvait récupérer ses otages avec la junte est ce que ce n’est pas intéressant pour elle de coopérer ? Il faut toujours regarder ce qui est bon pour vous à l’ instant t et t+1.

Afrohistorama : Mais qu’est ce qui explique la radicalisation de la France après ?

Luc Banemeck : Je crois que les militaires maliens n’ont peut-être pas  accepté son offre.

Afrohistorama : Qu’est ce qui permet de dire que la France n’est pas derrière ce coup ?

Ce qui me permet de dire que la France n’est pas derrière ce coup d’état s’explique par le fait que :

-         Les touaregs qui combattent le régime central de Bamako aujourd’hui sont pour la plupart des kadhafistes. Or lorsqu’on sait l’implication de la France dans la guerre contre la Libye, une alliance France-rébellion Touareg serait contre nature et contre productive ;

-         La deuxième raison tient au fait que la Libye est en proie aujourd’hui à une décomposition politique et aux violences de toutes natures. Or en allant faire la guerre à Kadhafi, les occidentaux ne sont pas parti pour une partie de plaisir, c’étaie pour le pétrole libyen. Pour mieux l’exploiter, ils ont besoin de la stabilité en Libye. Un Mali déstabilisé c’est une Libye déstabilisé davantage.

 

Pour toutes ces raisons je peux en déduire que la France n’est pas derrière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a mis en branle ses agents diplomatiques de la CEDEAO.

Afrohistorama : En effet suite à ce putsch, les présidents de la CEDAO donc une grande partie est composée de putschistes et dictateur sanguinaires s’est réuni pour essayer d’apporter une solution à la crise. Ces dernières ont adopté la position de la France, à peu de chose prés. Pas de retour d’ATT et son remplacement par le président de l’assemblée nationale. Que vous inspire cette décision ?

Luc Banemeck : Cette décision inspire le mépris. On ne peut pas être dictateur et putschiste et venir donner des leçons à un autre putschiste, sauf pour lui informer sur la manière de pérenniser son pouvoir.

Cette décision devait également permettre de positionner Mr Ouattara qui a besoin d’une reconnaissance Africaine qui lui manque énormément. Aujourd’hui ce n’est pas parce que les occidentaux te reconnaissent, que le peuple Africain le fera. La société civile Africaine est devenu mature.

Ses décisions sont l’émanation des occidentaux. Et la majorité des présidents sont soit dictateurs sanguinaires, soit apparent-démocrates. En plus c’est une organisation qui est financé par l’union Européenne. Vous voyez donc qu’ils ne sont pas crédibles. D’ailleurs les Maliens l’on bien démontré en refusant leur atterrissage  sur Bamako.

Depuis l’attaque de la Côte d’ivoire par les forces étrangères, beaucoup d’Africains ont bien compris le jeu des occidentaux qui agissent a travers des hommes de paille. Avant lorsqu’on expliquait au grand nombre cette situation, ils vous prenaient comme un illuminé. La Côte d’ivoire est venu confirmer nos dires, tout le monde voit aujourd’hui quel peut être le danger de laisser l’étranger s’impliquer dans les affaires intérieures du pays.

Je pense que la réaction Malienne est noble et lourde conséquence pour la suite. C’est aussi un message adressé à la communauté internationale des états occidentaux et à leurs «souffifres d’Afrique». Nous avons des problèmes oui, mais nous n’avons pas besoin de vous pour les résoudre. L’expérience a toujours démontrée que lorsqu’on les implique, la situation s’envenime. Ils se mettent  à soutenir les deux cotés.  

Afrohistorama : A vous entendre, on dirait que vous êtes pour les coups d’états.

Luc Banemeck : Je suis pour et contre. Je m’explique : Je suis pour lorsqu’il s’agit d’une démocratie apparente comme celle du Mali ou de plusieurs autres pays Africains et surtout lorsqu’il est réalisé sans le soutien étranger. Je suis contre lorsqu’il s’agit d’une démocratie réelle qui tient compte des aspirations du peuple et qui n’est pas soumis à l’intérêt étranger. Je suis pour un coup d’état à géométrie variable.

Afrohistorama : Pensez-vous qu’ATT n’était pas démocrate ou n’a-t-il pas vu venir ?

Luc Banemeck : Je pense qu’ATT a eu des bonnes intentions au départ lorsqu’il est arrivée à la tête du Mali, mais qu’avec le temps, et avec l’usure du pouvoir comme la majorité des présidents Africains qui durent au pouvoir.  Il est devenu un dictateur subtil dépourvu de vision.

Il a manqué de vision parce que, depuis l’apparition de l’AQMI, il devait sentir le danger venir. Et lorsqu’on sait qu’AQMI est un bras armé des forces occidentales, on peut comprendre que même le guide Kadhafi n’a pas vu venir.

En fait AQMI a été installée dans le désert pour préparer la conquête de la Libye, et  pour facilité l’installation  d’une base d’Africom. Cette stratégie participe de l’encerclement des avancées économique de la Chine populaire en Afrique. Il ne faut pas oublier qui contrôle l’Afrique, contrôle le monde. Ce que les États-Unis essaient de faire, c’est  ce qu’ils ont fait au proche orient à la fin des années 1950. Autrefois c’étaient les pays Européens qui contrôlaient le proche orient. N’arrivant plus à le faire les USA sont rentrés dans la danse et on sait ce qu’il en est aujourd’hui. Selon moi AQMI c’était que diversion.

Vous pouvez donc voir à quel point, ATT à manquer de vision, cette absence de vision  s’est prolongée  même après la chute de kadhafi.

Afrohistorama : Pourquoi cette absence de vision s’est-elle prolongée ?

 Luc Banemeck : La Libye  à la chute du régime du guide Mouammar kadhafi était devenu un grand supermarché ouvert d’armement ou tout le monde pouvait venir se servir gracieusement. En tant que voisin de la Libye, les choses étaient encore plus faciles. Il a plutôt laissé les Touaregs le faire, et aujourd’hui les maliens subissent les conséquences.

Afrohistorama : À vous entendre ATT a joué les aveugles ?

Luc Banemeck : Pire,  un aveugle peut sentir les choses venir, mais lui n’a rien senti du tout.  Depuis l’attaque de Laurent Gbagbo ou il a joué  une partition trouble en oubliant que la Côte d’ivoire était la colonne vertébrale économique du Mali.

Dans la guerre en Libye il a refait la même chose. Bref il a joué contre les intérêts du peuple malien. La crise d’aujourd’hui est le résultat de ce manque d'analyse géostratégique et de vision.

Afrohistorama : Comment voyez-vous l’avenir de cette junte ?

Luc Banemeck : Comme tout militaire qui se respecte, elle ne sera pas différente des autres. En revanche je souhaite qu’elle soit éclairée comparativement aux juntes que nous avons connues jusqu'à présent sur le continent.

Afrohistorama : Qu’entendez-vous par éclairée ?

Luc Banemeck : Une junte éclairée est une junte qui met au cœur de sa politique l’unité nationale, la construction du pays et non la dépendance vis-à-vis de l’étranger. N’oubliez pas que  la junte de Thomas Sankara fut une junte éclairée. C’est aussi le cas des juntes militaires asiatiques. Peut-être que le capitaine Sanogo donnera l’exemple. Il ne sera pas un Dadis Camara, mais un Thomas Sankara.

A Suivre…

 Interview réalisé par Gabriel Ayi

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