Comment Félix Moumié a été assassiné: les “révélations” du Général Aussaresses.
Comment Félix Moumié a été assassiné: les “révélations” du Général Aussaresses.
Vous souvenez-vous du général Aussaresses ? Il y a quelques années, il avait créé un tollé en France
en avouant, dans son autobiographie, et sans aucune espèce de remords, avoir pratiqué la torture en Algérie… au service de la France ! Ce vieux monsieur un peu original, qui semble avoir décidé
de livrer à la postérité un certain nombre de vérités (peu glorieuses pour le commun des mortels) au sujet de l’Etat qu’il a servi avec fanatisme, ne s’est pas laissé complexer.
A 90 ans bien sonnés, il refait parler de lui avec un nouveau livre : “Je n’ai pas tout dit”. Bien entendu, en vieillard indigne satisfait de choquer le bourgeois bien-pensant, il en remet une
couche. Il revient notamment sur une des affaires d’Etat les plus glauques de la Françafrique : l’affaire Moumié, du nom du président de l’UPC-RDA, parti nationaliste camerounais majoritaire au
moment de la lutte pour les indépendances, et traqué par la Françafrique à coups d’assassinats qui ont souvent pris un caractère génocidaire. Félix Moumié avait été assassiné à Genève par un
agent du nom du William Bechtel, ce que les milieux progressistes de l’époque avaient dénoncé dans l’indifférence générale.
Il y a quelques années, un documentariste suisse, Frank Garbely, a exhumé cette sombre affaire et a rappelé à la mémoire collective comment les services français, avec la complicité de la Suisse
prétendument “neutre”, avaient “fini avec” Moumié. Les versions de Garbely et de Aussaresses divergent sur de nombreux points – j’ai tendance à donner plus de crédit à Garbely, qui a fait une
vraie enquête et a interrogé de vrais témoins oculaires – mais se rejoignent sur un point : Moumié a été assassiné pour le compte de l’Empire. Le récit d’Aussaresses :
“William (…) est parti pour la Suisse où s’était réfugié confortablement l’opposant Félix Moumié dans un très bon hôtel de Genève. Mais les choses se passent rarement comme prévu. William s’était adjoint une fille. Les gens ont dit que c’était une fille de “la maison”. Mais c’est faux : il n’y a pas de jolies filles dans le service. Il a pris une jolie fille qu’il a trouvé quelque part, une blonde très visible (…) et tous deux se sont installés dans cet excellent hôtel. Ils ont guetté Moumié. Bechtel savait qu’il était assez cavaleur. Le soir, en passant devant le couple installé à une table de l’hôtel, Félix Moumié a bien sûr remarqué que la jeune femme lui avait souri. Aussitôt convaincu qu’il avait tapé dans l’oeil de la blonde, cet imbécile lui rend son sourire et s’arrête devant la table.
Bechtel s’exclame aussitôt : “Mais, Monsieur, je vous connais ! Nous nous sommes rencontrés au
Congrès de la presse agricole, à Helsinki.” Moumié lui répond qu’il n’y était pas. “Ah bon ? Prenez tout de même un verre avec nous”, insiste aimablement notre espion. Moumié accepte :
“J’aime beaucoup les boissons françaises, spécialement le Pernod”, dit-il.
Bechtel appelle le serveur : “Garçon, trois Pernod !” Puis, regardant avec son air de vieil intello sympathique Félix Moumié, il ajoute : “Vous dînerez bien avec nous ?” Moumié, visiblement ravi,
s’assied. La jeune femme accapare son attention pendant que William verse la dose numéro un. Mais Moumié, trop occupé à parler, ne boit pas. Bechtel, finalement, lève son verre ; la jeune femme
prend le sien. Il regarde l’opposant : “Tchin-tchin”. Bechtel et la fille boivent. Mais Moumié ne bronche toujours pas, son verre de Pernod reste sur la table. Le repas est servi. Les plats
s’enchaînent, arrosés. Félix Moumié ne boit toujours pas. Au moment du fromage, le Camerounais se lève pour aller aux toilettes. Comme vous pouvez vous en douter, Bechtel a versé la deuxième dose
dans le verre de vin de son convive. De retour à table, Moumié se lance dans une interminable discussion. Le temps passe. Bechtel et la fille commencent à désespérer. Ils se disent que si ce
fichu Camerounais ne boit pas, c’est raté, car ils n’ont pas d’autre dose. Soudain, Moumié s’interrompt et vide d’un trait, coup sur coup, et le verre de Pernod et le verre de vin. Double dose de
poison.
William et la fille se regardent, se demandent s’il ne va pas tomber raide mort devant eux. Le père T. avait bien dit : “Surtout pas de double dose.” Quand Moumié remonte à sa chambre, un peu
chancelant, William envoie la fille à la réception pour commander un taxi, direction l’aéroport. Il s’agissait de prendre fissa le premier vol pour n’importe où.
Le lendemain, la femme de ménage frappe à la porte de Félix Moumié. Pas de réponse. Il est découvert très mal en point. Transporté à l’hôpital, il meurt quelques jours plus tard, je ne sais pas
exactement combien. Toujours est-il que le docteur, venu constater le décès, refuse le permis d’inhumer et fait venir un médecin légiste, qui découvre très vite des traces de poison dans son
sang. Un juge suisse ordonne une enquête de voisinage : on apprend que Moumié avait dîné avec Bechtel et la fille. Cet âne de William Bechtel s’était inscrit à l’hôtel sous son vrai nom. Vous
parlez d’un agent !”
Par Théophile Kouamouo
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Hommage à un héros
Roland Félix Moumié
Le souvenir et la commémoration des événements de notre passé doivent nous
servir, non seulement à reconnaitre leur existence, mais aussi à nous enseigner ce que nous devons éviter. Notre histoire est riche, elle nous donne des modèles et doit guider notre
conduite.
Le samedi, 3 novembre 2012
15h30 -18h
MAISON DE L’AFRIQUE
7, RUE DES Carmes 75005 Paris
Metro : Maubert Mutualité (Ligne 10)
Moumié Félix Roland
1925-1960