Cameroun, crise énergétique majeure: Le retour à la lampe tempête pour au moins 50% de la population ?
Cameroun, crise énergétique majeure: Le retour à la lampe tempête pour au moins 50% de la population ?
Mise au point : Cet article date de 2003. Il ya plus de 9 ans. Au lieu de refaire un autre. Nous le ressortons parce que c’est ce que vivent aujourd’hui les populations
de Douala et surtout de la localité de Bonaberi.
Les problèmes d’électricité que vivent les populations de Douala la capitale économique et ses environs ces derniers jours ont dépassé le simple cadre des délestages et des pannes. Des menaces des lendemains sans électricité planent sur la capitale économique et une bonne partie du Cameroun...
La population de Douala (Bonaberi) et ses environs est en proie, depuis une semaine,
à la dictature des moustiques et de la chaleur. Le courant électrique tend à être ici un luxe. Les délestages que leur fait subir Aes-Sonel depuis plus d’un an ont perdu tout visage humain. Ils
sont devenus plus que sauvages. Désormais sans normes et sans calendriers permanents. Ils se font de jour comme de nuit, n’importe quand et n’importe comment, simultanément ou intermittemment,
dans tous les quartiers. Des changements à la fois brusques, brutaux et rapides qu’Aes-Sonel, en charge de la production, du transport et de la distribution de l’électricité au Cameroun, ne
daigne expliquer aux usagers.
La situation est d’autant plus incompréhensible que les populations habituées à vivre 5 heures sans énergie électrique par semaine, en sont maintenant à des jours entiers. Il est devenu très
difficile aujourd’hui à Douala d’avoir une journée entière d’éclairage. Si les centres hospitaliers, les grandes surfaces, les Pme, les ménages futés, etc. se sont dotés de groupes électrogènes,
de minuteries ou d’horloges, le reste de la population trinque et ne sait plus à quel saint se vouer face à ces perfusions énergétiques qui portent de sérieux coups non seulement à l’économie
nationale, mais aussi à la société. Des milliers d’élèves et étudiants qui doivent aborder les examens de fin d’année sont sans voix jusque là.
Aes-Sonel en panne sèche
Les problèmes du secteur électrique deviennent de plus en plus complexes pour Aes-Sonel qui, au début de l’année 2002, a initié un système de rationnement qui devait s’étendre sur tout le pays
pour permettre le passage de la période des basses eaux et assurer l’alimentation continue des populations. D’où ces nombreux plans de délestages diffusés dans les médias mais qui, au fil des
jours, ne servent à rien parce que non suivis par le concessionnaire.
C’est dire combien Aes-Sonel éprouve d’énormes difficultés à assurer la production et la distribution du courant électrique dans un Cameroun où la demande, sans cesse croissante, avoisinerait les
8% par an. Les raisons étaient alors très vite trouvées derrière lesquelles s’abrite Aes-Sonel. On a accusé la vétusté de l’appareil de production dont plusieurs maillons importants n’avaient pas
subi des programmes normaux d’entretien et de renouvellement. On a même parlé de l’absence d’investissement dans l’accroissement des capacités de production.
Mais ce qu’on oublie très souvent c’est qu’Aes-Sonel connaît un véritable problème de gestion prévisionnelle de l’eau. C’est, à en croire un cadre de cette entreprise à Edéa, ce qui est à
l’origine de tous les désagréments connus par les populations. En balayant d’ailleurs du revers de la main l’hypothèse de pannes mécaniques que la direction de Aes-Sonel avance, il avoue que “les
barrages de retenue et hydroélectriques sont actuellement vides au point que s’il ne pleut pas abondamment dans les prochains jours, une bonne partie du Cameroun sera dans l’obscurité”. Ce n’est
pas une simple menace car notre source poursuit: “Nous avons lâché il y a quelques jours la dernière réserve à niveau. Une réserve généralement peut tenir en une semaine. Or le lit naturel de la
Sanaga ne peut faire fonctionner qu’un seul groupe turbo-alternateur de 24 Mw. Le seul barrage d’Edéa en compte une quinzaine et Song Loulou en a 8 mais de 48 Mw”.
A Aes-Sonel, l’heure est aux “grandes prières et incantations pour qu’il pleuve abondamment, surtout dans la partie Ouest du Cameroun. Depuis quelques années, Edéa tourne avec l’eau venant du
barrage de retenue de Bamendjing”, relève notre interlocuteur. Qui pense d’ailleurs que les programmes de délestages ont été “mal conçus, d’où leur échec”, Selon ce cadre qui a requis l’anonymat,
“Aes-Sonel aurait dû réduire davantage la consommation en eau en augmentant dès le départ le nombre d’heures de délestage. Or ils (les cadres qui ont conçu ces plans ndlr) ont voulu jouer avec le
feu”. Et les résultats sont là. Il y a jusqu’à Alucam qui en souffre. La consommation normale d’Alucam d’environ 175 Mw a été ramenée à près de 100 Mw depuis les dernières ententes entre cette
entreprise et Aes-Sonel, après avoir avoisiné l’an dernier 60 Mw décidés unilatéralement par Aes-Sonel. Alucam s’était sentie abusée et a porté l’affaire devant le tribunal où Aes-Sonel a été
sommée de payer environ 30 millions de Fcfa de dommages à Alucam qui, de sources bien informées, ne serait plus prête à aller en deçà des 100 Mw qui lui sont destinés actuellement.
De quoi demain sera-t-il donc fait? Il est de plus en plus démontré que Aes-Sonel est dépassée par les événements. Le 13 mai, Justin Ndioro, le Pca de Aes-Sonel a exprimé ses “vives inquiétudes
face au rendement de distribution actuellement chiffré à 65%”. Il était face aux syndicats de l’énergie électrique à Douala qui ont exprimé le voeu de voir dès le 1er juillet prochain les 5% de
l’actionnariat salarié rétrocédés aux employés de Aes-Sonel dont le processus de convention serait bloqué par le ministre de l’Emploi du travail et de la prévoyance sociale, selon le rapport qui
a sanctionné la rencontre.
Quoi qu’il arrive, les populations sont victimes d’un manque de politique énergétique nationale qui aurait dû, dans un système logique, précéder le processus de privatisation de la Sonel.
Par Noé Ndjebet Massoussi
Source : Le Messager