Cameroun bilan de la journée internationale de la paix: Une paix illusoire dans un océan de misère.
Cameroun bilan de la journée internationale de la paix: Une paix illusoire dans un océan de misère.
Population de Yaoundé la capitale sans eau inondation Nord Cameroun
C’est le constat établi vendredi, 21 septembre 2012 par la société civile à l’occasion de la journée mondiale de la paix.
C’est à travers conférences, tables rondes et récits que la société civile a célébré la journée mondiale de la paix, vendredi 21 septembre 2012. Il était question pour les différents
intervenants, de définir ce concept qui prête à confusion, de dénoncer l’inertie des pouvoirs publics dans la construction d’une paix durable et solide, mais également de faire un état des lieux
au Cameroun.
Ceci à travers des exposés portant sur «la journée mondiale de la paix: mobilisation et rôle de la société civile et des jeunes dans la célébration mondiale», et «la participation des médias dans
la construction d’un monde de paix». D’après Jean-Baptiste Sipa, leader associatif, «la paix n’est pas forcément une absence de guerre. Elle fait appel à des valeurs de tolérance, du droit des
peuples sinon ce serait une tranquillité dans l’injustice qui est suivie de frustration». Selon ce dernier qui fait état de son passé fort évocateur d’éminent journaliste dont la plume a servi à
dénoncer la responsabilité des pouvoirs publics dans l’édification d’une société plus juste et égalitaire pour tous, les médias ont un rôle majeur à jouer pour le maintien de la paix. «Les médias
ont le pouvoir de former et de déformer, d’unir et de diviser, de construire et de détruire. C’est pourquoi on parle de quatrième pouvoir».
Faisant allusion à la radio des mille collines au Rwanda, il démontre que cette crise observée dans ce pays des grands Lacs pouvait être évitée car «un article de presse peut provoquer la crise
et occasionner des conséquences fâcheuses et irréparables. C’est pourquoi nous conseillons à nos jeunes confrères de s’entourer de toutes les précautions nécessaires dans l’exercice de leur
sensible et noble profession. Un manquement à la déontologie peut être l’étincelle qui peut mettre le feu aux poudres. Les médias représentent le principal ressort de la pensée collective». Quant
à Elisabeth Ngo Bapa, membre de Un Monde Avenir, une organisation de la société civile, «c’est vrai que nos dirigeants s’illustrent comme des personnes hostiles à la guerre mais ce n’est pas
suffisant. Comment peut-on être en paix si on a faim, si on ne peut pas envoyer ses enfants à l’école, si on ne peut pas se soigner, si on ne peut pas circuler la nuit dans certains quartiers».
Cette année, Masterpeace et Un Monde Avenir ont accordé leurs violons par l’organisation de ces conférences sus citées, pour dire non à une paix illusoire et constamment menacée.
Chose publique
Prenant part à cette rencontre, Patrice Ekwambi, président de «Solidarité jeunes» revient sur les grandes crises sociales qu’a connues le Cameroun. «La tentative du coup d’Etat d’avril 1984, les
villes mortes, les émeutes de février montrent à souhait que le Cameroun n’est pas en paix comme on veut nous le faire croire. Seule une révolution profonde peut instaurer une paix durable à
travers une refondation des valeurs». Pendant que la communauté internationale célèbre la journée mondiale de la paix sous le thème «une paix durable pour un avenir durable», les prisonniers, les
refoulés aux frontières, les malades sans soins, bref tous ceux qui sont exclus de la gestion de la «chose publique» ou qui estiment être les victimes du Renouveau national observent de loin
cette commémoration avec les larmes aux yeux. «Elle est sans objet. Les gouvernements bafouent cette idée et font honte à l’église catholique romaine grâce à qui elle est célébrée», dit Anatole
Moussongui, patient à l’hôpital Laquintinie.
Etame Kouoh
Philippe Nanga: «La paix ne peut pas se décréter»
déplacement des populations
Le coordinateur de Un Monde Avenir revient sur cette journée mondiale où il est question du renforcement des idéaux de paix, tant au sein des nations que des peuples.
Peut-on dire que le Cameroun est un pays en paix ?
On ne peut pas parler de paix car les citoyens sont quotidiennement dans un état de turbulence. La précarité dans laquelle les Camerounais vivent dans leur immense majorité les prédispose à une
violence individuelle et collective. Il y a une sorte de refoulement de sa condition. Les Camerounais ont plutôt construit un état de méfiance, de suspicion et d’adversité entre eux. Au regard de
ce qui se vit tous les matins, vous avez des malades qui sont sur le qui vive parce qu’incapables de payer leurs ordonnances. Quand vous voyez des Camerounais des régions comme le Nord qui sont
obligés de survivre grâce à l’aide alimentaire internationale, on ne peut pas parler de paix. La paix suppose qu’on a bien intégré la notion de la solidarité et que cette notion s’inscrit dans
les politiques, se décline par des projets qui garantissent l’épanouissement de tous les Camerounais. L’enclavement de certaines localités est une discrimination à l’égard de ces populations.
Que fait la société civile pour l’avènement d’une paix durable ?
Depuis plusieurs années, Un Monde Avenir s’est lancé dans un vaste programme d’éducation à la citoyenneté. L’une des valeurs de la citoyenneté, c’est la solidarité qui aide à construire la paix.
Nous avons déjà fait le tour du Cameroun et touché près de mille personnes pour la plupart des leaders associatifs dans le cadre de ce programme qui consiste à construire les consciences des
citoyens sans lesquelles il est difficile de construire la paix. La répression à laquelle les Camerounais ont été sujets depuis l’indépendance a construit une autre posture qui se manifeste par
la méfiance les uns les autres. Raison pour laquelle nous associons d’autres organisations dans nos activités qui visent à nous approprier notre milieu et à construire la solidarité grâce à
laquelle nous pouvons développer la paix tout en sachant qu’elle est une quête permanente.
Pourtant le chef de l’Etat définit le Cameroun comme un havre de paix…
La paix qui transparait dans les discours politiques est une paix imposée par le diktat et la répression. Ce qui explique le nombre toujours croissant des forces de l’ordre. C’est une paix
éphémère et qui au contraire de garantir la paix durable, prédispose à la violence. C’est ce qui explique les actes de violence qui surgissent de temps en temps pour revendiquer le mieux-être. La
paix ne peut pas se décréter, elle ne peut pas se construire dans les discours. La paix est un état réel et concret qui se caractérise par la mise en place des projets structurants et fédérateurs
qui participent à l’épanouissement des citoyens, qui améliorent leurs conditions d’existence.
La paix durable est-elle possible ?
A la seule condition qu’elle émane de la conscience collective. Ce n’est que par ce processus de reconstruction que nous pourrons nous inscrire dans la réalisation d’une paix durable tout en
sachant que la paix est un bien précieux qu’on doit conquérir et conserver à tout moment.
Avez-vous un plaidoyer à formuler ?
Les pouvoirs publics doivent de même que les citoyens, prendre conscience des dangers d’une paix décrétée et entretenue par la répression. Ils doivent s’aligner aux exigences d’ouverture qui nous
recommande la démocratie. Les pouvoirs publics ont l’obligation de faire face à la réalité sujette à la transformation sociale. Il vaut mieux pour le gouvernement de s’ouvrir et d’ouvrir l’espace
public au lieu d’attendre que les citoyens soient obligés de forcer l’ouverture et les débarquer.
Entretien avec Etame Kouoh
Source : Le Messager