Cameroun : 6 novembre 1982 - 6 novembre2012. Peut-on mettre sur le dos d’un seul homme la situation catastrophique d’un pays ?
Cameroun : 6 novembre 1982 - 6 novembre2012. Peut-on mettre sur le dos d’un seul homme la situation catastrophique d’un pays ?
Comprendre pourquoi les intellectuels et le peuple camerounais sont autant responsables.
I) La faillite de l’élite " des agrégés "camerounaise
L’élite, dans un pays, constitue la
crème de sa population. C’est elle qui, à travers le monde promeut le progrès. Au Cameroun, la nôtre, au regard de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays, a plutôt fait
faillite.
Après que Paul Biya ait indiqué l’orientation politique qu’il allait donner à son pays et qu’il a baptisée « Renouveau » - entendez, tout n’était pas mauvais sous
Ahmadou ahidjo, il importe simplement d’opérer quelques réglages, et la machine Cameroun repartira de plus belle – s’est aussitôt posé le problème des personnes avec qui il allait pouvoir «
renouveler » le Cameroun.
Il s’en est alors suivi le fameux débat qui avait secoué en 1984, 1985, 1986, la classe politique camerounaise, et qui portait sur la nécessité de mettre du vin
neuf, non plus dans de vieilles outres, mais plutôt dans des outres nouvelles, étincelantes de virginité. Traduction : à une nouvelle politique, telle que celle qui était en train d’être
inaugurée par le président de la République, devait correspondre de nouveaux hommes. Ces derniers, on s’en souvient, Paul Biya les a choisis dans trois viviers : celui de l’enseignement
supérieur, celui des diplômés de l’Enam, et celui des diplômés des écoles de commerce.
La faillite des agrégés
Ce fut une véritable révolution qu’opéra le président de la République, en associant à son régime naissant, les docteurs « es connaissances », agrégés et «
professeurs » de l’université du Cameroun. Ceux-ci ont alors envahi toutes les sphères de l’Etat, sortant par la même occasion, de l’ostracisme dont ils venaient d’être l’objet pendant deux
décennies, sous le règne d’Ahmadou Ahidjo. ils se sont retrouvés conseillers en tout et partout, à la présidence de la République, au Premier ministère, dans les différents ministères.
Bien mieux, ils sont même devenus ministres : éducation nationale, information, santé publique, etc. La population, de son côté, a applaudi des deux mains : « enfin,
les intellectuels ont pris en mains le pays ». Traduction : l’époque des « ignares » avec qui préférait gouverner Ahmadou Ahidjo, est révolue. Paul Biya les a même introduits au Comité central du
Rdpc. ils sont devenus plus puissants que jamais. au prestige que confère la connaissance, ils alliaient celui de l’appartenance au cercle restreint et tant convoité des sages du parti, à
l’époque unique.
Mais, une décennie seulement plus tard, quelle n’a pas été la désillusion des populations. Les « professeurs » au pouvoir, se sont avérés plus nuls que les non
professeurs. ils les ont surpassés carrément en turpitudes. En tout cas, ils ont conduit le pays à une double ruine : 1/ sur le plan international, le Cameroun s’est honoré deux fois de suite du
titre humiliant de champion du monde de la corruption ;
2/ le Cameroun, sous leur règne, figure à présent sur la liste non moins honteuse des « pays pauvres très endettés », entendez, les derniers de la planète.
Paradoxe véritable : quand le pays était aux mains des « analphabètes » de l’époque d’Ahmadou Ahidjo, il figurait parmi ceux sur qui la communauté internationale misait pour servir de locomotive
en Afrique ; une fois les « professeurs » au pouvoir : patatras ! On ne saurait reprocher Paul Biya d’avoir fait appel à ces savants. il a pris la bonne décision.
Il a opéré le bon choix. il fallait associer les intellectuels à la gestion du pouvoir. Tous les chefs d’Etats, à travers le monde, le font. John F. Kennedy,
aux Etats-Unis d’amérique, avait fait appel à des intellectuels tels que Mac Namara et autres ; Richard Nixon avait fait appel à Henry Kissinger et autres ; en France, Valéry Giscard d’Estaing
avait fait appel au professeur d’économie de réputation mondiale Raymond Barre.
Il collaborait étroitement aussi avec le sociologue de réputation mondiale Raymond Aron. François Mitterrand, il s’est attaché les services de Jacques attali, une
lumière en France, sans oublier Roland Dumas, professeur émérite de droit, Jean-Pierre Cot, et bien d’autres. Ces différentes sommités intellectuelles ont pu faire de leurs pays des références
sur le plan mondial. Qu’est-ce qui a donc posé problème avec les nombreux « professeurs » de Paul Biya ? Réponse simple, ils sont loin d’avoir la dimension intellectuelle des intellectuels des
pays occidentaux.
Ils passent vingt années à se pavaner avec le titre de « professeur », sans jamais publier le moindre ouvrage ou le moindre article dans une revue scientifique. On
les voit plutôt aller se disputer des sous-sections et des comités de base du Rdpc avec les villageois. Jacques attali, qui fut Conseiller de François Mitterrand, était président de quelle
fédération (section) du Parti Socialiste français ? Nos « professeurs » sont loin d’avoir la dimension dont ils se prévalent. ils ne sont, en réalité que des borgnes au pays des
aveugles.
Et pour finir, nos « professeurs » ne sont avant tout que de bons Camerounais. En d’autres termes, ils sont extrêmement corrompus, avides d’honneurs, et sont
empêtrés dans la sorcellerie, la franc-maçonnerie, la Rosecroix, et d’autres sociétés secrètes locales, genre « éboka ». ils n’ont pas en eux ce qui fait la force de leurs homologues occidentaux
: le patriotisme. ils ne pensent que ventre, villas, femmes. De l’avenir du Cameroun, ils s’en moquent éperdument.
La faillite des diplômés de l’Enam. Le président Ahmadou Ahidjo régnait en s’appuyant sur les diplômés de l’Enam. A son époque, celle-ci formait du personnel au
niveau des plus disparates. Certains diplômés de cette école, étaient nantis de licences, d’autres de capacités en droit, de simples baccalauréats, de Bepc, parfois même de Cepe. L’Enam a ainsi
procuré à Ahmadou Ahidjo des cadres au niveau quelconque.
On ne peut, en effet, avoir dans la même classe, un licencié et un titulaire du Cepe, sans que le nivellement ne se fasse par le bas. C’est bien connu, il est plus
aisé de régresser que de s’élever. L’arrivée de Paul Biya aux commandes de l’Etat, s’est traduite par une volonté d’amélioration du niveau des diplômés de cette école, avec la suppression des
fameuses listes « a et B ». De nombreux ressortissants du « Grand Nord », malheureusement, ont perçu cette décision comme une volonté de leur nuire. Quoi qu’il en soit, le président de la
République a continué, comme son prédécesseur, à employer les diplômés de l’Enam dans toute l’administration.
Il a également continué à les maintenir à la tête des sociétés publiques et parapubliques. La suite, tout le monde la connaît : corruption généralisée ; faillites en
cascades des sociétés d’Etat ; gabegie, népotisme. Pour tout dire, l’incompétence s’est érigée en règne.
A ce jour, les diplômés de l’Enam apparaissent comme des démolisseurs chevronnés de toutes les structures qui fonctionnent convenablement. il faut pratiquement les
entourer des garde-fous les plus ingénieux, tellement leur esprit prédateur cause du tort à la République. Le moindre magistrat ou inspecteur du trésor, pour ne pas parler des douanes, se
retrouve en peu de temps, à la tête d’une colossale fortune. Paul Biya les a utilisés à profusion dans ses divers gouvernements.
Ils se sont illustrés pour la plupart par un enrichissement aussi spectaculaire que scandaleux. Les diplômés de l’Enam constituent, aujourd’hui, l’écrasante majorité
des ministres devenus milliardaires. Si le Cameroun est actuellement en crise, ils en portent, une lourde responsabilité.
La faillite des diplômés des écoles de commerce. L’arrivée de Paul Biya au pouvoir a coïncidé avec la découverte, par les Camerounais, des salaires faramineux
qu’offrait le secteur parapublic. Dans les années 78, 79, 80 voire même 82, 83, il était devenu de bon ton, pour les parents de payer des études de manager dans les universités et grandes écoles
de formation occidentales à leurs enfants.
Les Camerounais ont ainsi envahi pratiquement toutes les écoles de commerce de France : Hec, isa, isg, Sup de Co, etc. D’autres se sont formés aux Etats-Unis
d’Amérique et au Canada, où ils ont ramené des « Masters of Business administration ». Enfin, les moins nantis, eux, se sont contentés de l’Ecole Supérieure des Sciences Economiques et
Commerciales, Essec, de Douala. De retour au Cameroun, beaucoup ont postulé à un emploi à la Sni. Celle-ci s’est mise à les affecter dans la totalité des sociétés de son
portefeuille.
Ces jeunes diplômés d’écoles de commerces, se sont mis à rouler carrosse partout où ils se trouvaient, et faisaient preuve d’une prétention démesurée. Leur langage
était identique : « tu es où ? je suis à la Snec ; et toi ? à la Camair ; mais, je me bats pour être recruté à la Cnps, là-bas, les salaires sont plus élevés » ; « à iBM, on me propose le double
de ce que je gagne à X, j’y vais » ; « on m’a pris à la Camsuco, mais, là-bas, c’est la brousse ; je cherche à être recruté à l’Oncpb ou à la Cncc ; là, je viendrai vivre à Douala » ;
etc.
Ces fringants titulaires de « M.b.a. », ne passaient leurs vacances qu’en Europe, s’habillaient auprès des couturiers français les plus prestigieux et par conséquent
les plus chers, s’offraient les automobiles les plus coûteuses.
La suite, on la connaît également : ils ont mis Ko. toutes les entreprises dans lesquelles ils ont fait étalage de leurs
connaissances. Alliés aux diplômés de l’Enam qui étaient généralement leurs patrons, ils ont complètement démoli le tissu industriel dont était déjà en train de se doter le Cameroun. Combien
d’entre-eux ont-ils, dans le même temps, songé à créer leur propre entreprise ?
Très peu. En vérité, ils ont amené dans le secteur privé, la mentalité parasitaire des fonctionnaires. Et, lorsqu’ils se sont rendus compte qu’ils ont contribué à la
fermeture de toutes les sociétés parapubliques dans lesquelles ils avaient été affectés, ils ont, pour la plupart, plié bagages, sont retournés en Europe où ils travaillent actuellement, en
majorité, comme veilleurs de nuit, gardiens de parkings, manutentionnaires, etc.
L’élite de demain
Vous avez dit « grandes réalisations » ?
Oui, mais avec qui ? That is the greatest question. En conséquence, la première et la « plus grande ambition et réalisation » du septennat de Paul Biya qui
conditionne la réussite de toutes les autres, quelles qu’elles soient, devrait à n’en pas douter, porter sur la recherche d’hommes compétents et dévoués à la République et au pays. Bien mieux,
celle-ci devrait porter sur la formation de ces hommes qui, de toute évidence, ne peuvent surgir du néant. En Grande-Bretagne, les universités de Cambridge et d’Oxford sont réputées pour la
qualité de leurs formations ; aux Etats- Unis, « Harvard », « Yale », « Georgetown », « Ucla », etc, également ; en France, l’Ena, les instituts d’Etudes Politiques, etc.
Au Cameroun, quelle école de formation peut-elle à ce jour être considérée comme étant de qualité, dès lors que se monnaient les concours d’admission. Celles-ci ne
sont-elles pas les hauts lieux d’initiation à la gabegie, au népotisme et à la corruption, méfaits qui caractérisent aujourd’hui, l’élite camerounaise dans son ensemble ? On ne peut faire de «
grandes réalisations avec des individus qui, eux, n’en ont que de toutes petites. Voilà, en vérité, la situation qui risque d’obérer, considérablement, le projet politique de Paul Biya.
Réveillons nous !
Source: La Cité
II) Comprendre pourquoi le peuple camerounais est autant responsable.
B- ETIENNE DE LA BOETIE (l’inventeur de la Science Politique)
Etienne de La Boétie (1530-1563) est un penseur français qui a écrit à seulement 18 ans en 1548, l’un des plus beaux ouvrages de la science politique qui n’était qu’à ses débuts, intitulé : « Discours sur la Servitude Volontaire » . La Boétie est un jeune homme très intelligent. Il veut réaliser un livre sur la dictature. Pour ne pas se faire trancher la tête il fait deux choses qui démontrent tout son génie : au lieu d’écrire sur le dictateur, sur le tyran, il écrit plutôt sur le peuple qui accepte la dictature, mieux, il parle du présent, de son 16ème siècle, mais en faisant croire qu’au fond, il parle de l’antiquité. Ses exemples ne font référence qu’à l’époque lointaine de l’antiquité. La question au centre de son livre est celle de savoir comment un peuple fort peut-il accepter de supporter et de souffrir la dictature d’un tyran faible, dont le pouvoir ne se repose que dans cette acceptation par la population sous son joug.
La Boétie se pose la question de savoir si dans l’histoire l’homme a toujours été sous domination ou non. Sa réponse est NON. Si l’homme est né libre et était libre avant il y a pu bien y avoir un accident de l’histoire qui a rompu quelque chose et faire passer de cette liberté à ce qu’il appelle la servitude volontaire ; volontaire, parce que nul n’oblige l’être humain à subir le tyran. Et il arrive à trouver cet accident de l’histoire en l’apparition sur la planète terre de quelque chose qui s’est fait appeler l’Etat. Pour lui, cet Etat qui crée la division entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouverné est accidentel. La Boétie va même plus loin, il trouve que l’être humain qui subit la tyrannie est pire que l’animal, parce que, dit-il, dans le monde animal, aucun animal n’est au service de l’autre. La soumission, l’esclavage est un acte contre nature. Il écrit : « les bêtes… ne se peuvent accoutumer à servir (…). Ce qu’il y a de clair et évident pour tous, et que personne ne saurait nier, c’est que la nature (…) nous a tous créés et coulés, en quelque sorte au même moule, pour nous montrer que nous sommes tous égaux, ou plutôt frères. »
La Boétie, conclut en établissant de façon surprenante 3 formes de dictatures qui sont tout aussi actuelles en ce 2012 qu’en 1560. Il écrit : « Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple (pompeusement appelée aujourd’hui : démocratie), les autres par la force des armes, les derniers par succession de race ». Il ajoutera : «Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. » Pour lui, le pouvoir est en nous, il fonctionne en nous, dans le plus profond de nous-mêmes, avides de s’identifier au tyran. C’est comme cela qu’il nous révèle, non plus comment cela se passe, mais pourquoi. Et c’est fondamentalement lié au fait que chaque individu veut s’identifier au dictateur, pour devenir le dictateur de quelqu’un d’autre, à son niveau.
Etienne de La Boetie meurt à 33 ans en 1563, tué probablement par la peste et passe le flambeau du savoir à son ami indéfectible, Montaigne qui est à ses côtés durant les 3 jours d’agonie et que nous allons étudier prochainement.
Devoir :Commentez en 20 lignes maximum, 5 de 10 pensées politiques de La Boétie extraites pour la plupart de "Discours de la Servitude Volontaire". Détaillez vos explications en prenant pour référence les relations de dominant-dominé entre l'Europe et l'Afrique.
1- « Soyez résolus de ne plus servir, et vous serez libres. »
2- « La modernité se définit comme un progrès décisif de la conscience de soi. »
3- « La seule liberté, les hommes ne la désirent point. »
4- "les tyrans, plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent et détruisent plus on leur baille, plus on les sert, d’autant plus ils se fortifient et deviennent toujours plus forts et plus frais pour anéantir et détruire tout."
5- "Or ce tyran seul, il n'est pas besoin de le combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner."
6- "Ce maître n'a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n'a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu'il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire."
7- "Il ne peut y avoir d'amitié là où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l'injustice. Entre méchants, lorsqu'ils s'assemblent, c'est un complot et non une société. Ils ne s'aiment pas mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices".
8- "C'est un extrême malheur que d'être assujetti à un maître, dont on ne peut être jamais assuré qu'il soit bon, puisqu'il est toujours en sa puissance d'être mauvais quand il voudra."
9- "Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux."
10- "Pour que les humains se laissent assujettir, il faut de deux choses l'une y soient contraints, ou qu'ils soient trompés.": ou qu'ils
Extrait de Leçon de Géostratégie Africaine n° 47 de Jean paul Pougala