Zimbabwe : Mugabe, le héros du monde noir? Le président veut redistribuer mines et entreprises aux ayants-droits
Zimbabwe : Mugabe, le héros du monde noir? Le président veut redistribuer mines et entreprises aux ayants-droits
Le père Bob vous parle.
Auréolé de sa récente victoire aux élections présidentielles, le président zimbabwéen vient de décider de redistribuer les entreprises privées et de rendre sans compensation les mines aux Noirs. Il est en train de réussir là où l’Afrique du sud et la Namibie ont échoué. Retour sur 13 années de lutte, qui apparaissent désormais comme un exemple pour l’Afrique.
Le fastueux et richissime empire du Mwana Mutapa (Monomotapa) renaît de ses cendres. Détruit par les portugais pendant la traite négrière européenne, le Zimbabwe est devenu une colonie anglaise à la fin de la guerre de conquête de Cecil Rhodes au 19e siècle. Le pays a connu un système inique d’apartheid sous le dictateur britannique Ian Smith. Ces 13 dernières années l’ont vu, sous l’impulsion de son président intrépide, reprendre son économie en main.
Murs du légendaire empire du Mwana Mutapa (Monomotapa)
Jusqu’à l’an 2000, les Blancs qui représentaient moins d’1% de la population zimbabwéenne possédait 45% des terres du pays. Les accords de Lancaster de 1975 entre les indépendantistes et les nations européennes prévoyaient une redistribution avec compensation des fermiers blancs, sur la base du volontariat, comme en Afrique du Sud et en Namibie. Ces dispositions n’ont pas mené loin, puisque les meilleures terres sont restées aux mains des Blancs. Le président Mugabe au pouvoir depuis 1980 décida donc d’accélérer le programme de réforme agraire, en contraignant par la force les Blancs à rendre les terres aux africains.
L’Occident a utilisé tous ses ressorts pour diaboliser cet acte, mettant subtilement en avant l’incapacité des Noirs à gérer les terres, et rapportant faussement que c’était les cadres du parti au pouvoir et amis de Robert Mugabe qui les détenaient désormais. Ce héros de la lutte d’indépendance qui était peu avant honoré par la reine d’Angleterre et reçu dans toutes les capitales occidentales, devenait le pire des dictateurs sur la scène médiatique mondiale. Grace Mugabe est subitement devenue une première dame dépensière, une Marie-Antoinette noire.
Signature des accords de Lancaster, 1975, Mugabe à droite
Les sanctions économiques et financières ont plu sur le pays. Les États-Unis, L’Union Européenne et l’Australie ont par leurs mesures punitives détruit l’économie zimbabwéenne afin de pousser au départ du président. Toutes les sources de financement extérieures ont tari, des embargos sur l’import et l’export appliqués. Le chômage et l’inflation ont explosé. Le pays est entré en déroute. Tout ceci parce que les zimbabwéens voulaient reprendre leur économie.
Sûr de son fait, Robert Mugabe a tenu le cap. Sur les quelques tribunes occidentales où il lui était encore permis de s’exprimer, il mettait en avant de manière virulente le racisme de l’Occident, et l’effet désastreux des sanctions sur son pays. Répondant à ceux qui disaient que l’homme blanc devait avoir une place en Afrique, il disait « Où est la place de l’homme noir en Europe ? ». Sa politique dite d’indigénisation a porté ses fruits. Tous les journaux occidentaux et organisations internationales sont obligés de reconnaître que la réforme agraire est un succès.
moins de 1% de Blancs détenaient 45% des terres agricoles
Après une élection aux résultats contestés en 2007 face à Morgan Tsvangirai, soutenu par les occidentaux, Robert Mugabe sort auréolé de sa nette réélection d’il y a quelques jours. Sa politique en faveur des Noirs l’a rendu très populaire. Dans sa lancée, le gouvernement zimbabwéen annonce qu’il saisira les mines pour les rendre aux Noirs, sans verser de compensation aux anciens propriétaires. Le Zimbabwe ne paiera pas pour ses ressources. Les entreprises pesant plus de 500 000 $, les banques en particulier, recevront des compensations en échange de la concession de 51% de leurs parts aux Noirs zimbabweens, dont 10% aux salariés, 10% à un fonds de développement des infrastructures, 31% à un fonds national souverain.
Harare, capitale du Zimbabwe
Gros bémol tout de même, le président Mugabe doit réaliser qu’il a 89 ans et qu’il est de plus en plus proche de sa fin. Il est la personnification de ses réformes salutaires, qui risquent d’être en danger s’il n’est plus. Il devra donc s’atteler à préparer sa succession pendant ce mandat. En Afrique du Sud, où les Blancs qui ne représentent que 9% de la population détiennent 60% des terres agricoles, le charismatique Julius Malema a inscrit dans le programme de son nouveau parti EEF la nécessité de redistribuer les richesses aux africains, par la force s’il le faut, a-t-il dit. En Namibie, les Blancs qui représentent 6% de la population, détenaient 50% des terres en 2003. En 2012, l’ancien président Sam Nujoma a accusé les fermiers blancs de saboter les accords de partage des terres. En Namibie aussi, l’echec de la méthode employée jusqu’ici doit donc être acté.
Par NNKM
Source : AfroConcept News