Repli identitaire: Le tribalisme se renforce de plus en plus au Cameroun.
Repli identitaire: Le tribalisme se renforce de plus en plus au Cameroun.
Alors qu'on parle de plus en plus de la succession du Président de la République, force est de reconnaître que les vieux démons du tribalisme refont de plus en plus surface au Cameroun.
L'actualité politique au Cameroun ces derniers jours est incontestablement la préparation des élections sénatoriales programmées pour le 14 avril prochain. Si cette élection n'enthousiasme pas
toutes les populations en raison du caractère même de cette élection qui n'engage que les conseillers municipaux, elle ne revêt pas moins un caractère important dans la mise en place de toutes
les institutions prévues par la Constitution de 1996. Son importance est d'autant plus grande que c'est le Président de cette Chambre Haute du Parlement qui devra, à en croire la Constitution de
1996, assurer la transition en cas de vacance au sommet de l'Etat. En clair, le Président du Sénat sera celui-là qui devra assurer les élections sans qu'il soit lui-même candidat à l'élection
présidentielle. Avec la mise en place du Sénat et sans doute dans la foulée de la Cour constitutionnelle, Paul Biya parachève ainsi la mise en place d'une véritable démocratie au Cameroun. Du
coup, l'on peut penser qu'avec la mise en place du Sénat et de la Cour constitutionnelle, les jeux sont ouverts pour une succession tranquille au Cameroun. C'est dire qu'une nouvelle
redistribution des cartes est vivement attendue et elle pourrait remettre en question les traditionnels équilibres qui, même s'ils ne reposent sur aucune loi écrite, ont toujours présidé au choix
des hommes que ce soit sous Ahmadou Ahid¬jo ou encore sous Paul Biya. L'on sait par exemple que si le Président de la République est du Grand Sud, le Président de l'Assemblée Nationale est
anglophone et le Premier Ministre du Grand Nord et vice-versa. En tout cas, c'est ce qui a fait imposer une sorte d'axe Nord-Sud dans la répartition du pouvoir au Cameroun. Cet état des choses
va-t-il prospérer après Paul Biya? L'on se souvient que lors d'une interview accordée aux confrères de France 24 au cours d'une visite officielle en France, Paul Biya avait clairement indiqué
qu'il n'y avait pas de dauphin en démocratie. Du coup, tout porte à croire que seules les urnes désigneront le successeur de Paul Biya.
Est-ce pour cela que les différents stratèges ont commencé à s'échauffer dans les antichambres? On peut le dire.
Axe Nord-Sud
Seulement, dans cette ambiance, même si la succession de Paul Biya n'est pas encore officiellement ouverte, les démons du tribalisme refont de plus en plus surface au point de faire peser une
sorte d'épée de Damoclès sur le pays. Et en première ligne, la fracture qui manifestement semble s'installer entre le Grand Nord et le Grand Sud. On n'a encore pu le constater il y a quelques
jours avec les sanctions infligées à lya Mohammed par le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière du Contrôle Supérieur de l'Etat. Pour certains chroniqueurs, ces sanctions à l'endroit de
Directeur Général de la SODECOTON étaient tout simplement la manifestation d'un acharnement contre un ressortissant de la partie septentrionale du pays. Une sorte de chasse aux sorcières surtout
après l'incarcération récente de Marafa Hamidou Yaya que certaines populations du Grand Nord estiment que ses malheurs sont le fruit de ses ambitions présidentielles. Et pourtant, il est constant
que l'ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République a été reconnu coupable de détournement de deniers publics dans le cadre de l'acquisition d'un aéronef pour les déplacements du
Président de la République.
D'ailleurs, on se rappelle que dans leur logique de maintenir le fameux axe Nord-Sud, nombreux sont les ressortissants du Grand Nord qui ne cachent pas leur impatience à «récupérer» le pouvoir.
Parmi ces personnalités de premier plan, l'on note Amadou Ali, vice-Premier Ministre qui n'avait pas manqué, dans une conversation avec l'ancienne Ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun, Janet
Garvet, conversation reprise par les câbles Wikileaks, d'affirmer que les 3 régions du Septentrion, ethniquement et culturellement différentes du reste du Cameroun, allaient continuer à apporter
leur soutien au Président Paul Biya aussi longtemps que le Chef de l'Etat actuel souhaitait rester au pouvoir. Il continuait alors d'indiquer que les Béti étaient peu nombreux pour s'opposer à un
pouvoir nordiste et au reste du Cameroun, et que les Bamiléké avaient fait des ouvertures à des élites du Nord pour constituer une alliance qui n'avait aucune chance de réussir pour soutenir un
pouvoir politique bamiléké. Traduction facile: l'après Biya ne se fera pas avec les Béti et les Bamiléké. Même si l'ex-vice PM en charge de la Justice avait par la suite parlé d'une affaire de
traduction, du Français à l'Anglais, Amadou Ali avait laissé tomber le masque. Et lorsqu'on sait qu'Amadou Ali n'est pas le seul ressortissant du Septentrion à penser ainsi, on peut dire sans
risque de se tromper que l'unité nationale est sous la forte menace des démons du tribalisme.
Par Charles Nwe
Source : La Nouvelle